J'ai lu ce matin Jochim du Bellay
Je hais plus que la mort un jeune casanier
Qui ne sort jamais hors, sinon aux jours de fête,
Et craignant plus le jour qu'une sauvage bête,
Se fait en sa maison lui-même prisonnier
Mais je ne puis aimer un vieillard voyager,
Qui court deça delà, et jamais ne s'arrête,
Ains des pied moins leger que léger de la tête,
Ne séjourne jamais non plus qu'un messager.
L'un sans se travailler en sûreté demeure,
L'autre, qui n'a repos jusques à tant qu'il meure,
Traverse nuit et jour mille lieux dangereux;
L'un passe riche et sot heuresement sa vie,
L'autre, plus souffreteux qu'un pauvre qui mendie,
S'acquiert en voyageant un savoir malheureux.
Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cesluièlà qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge!
Quand reverrai-je, hélas de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage
Joachim du Bellay les regrets.