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  • Je vous propose mes diverses lectures sur des thématiques étendues : littérature, philosophie, histoire, poésie, à partir de 2015 également politique, sociologie, et des réflexions sur des thèmes d'actualité.
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10 octobre 2022

"Les égarés" Frédérick TRISTAN

22530949052Goncourt 1983

 

Voilà un grand roman, méconnu du grand public à tort. C’est une œuvre riche, prenante, romanesque à souhait, qui met en lumière des références aujourd’hui oubliées, liées à l’hermétisme, l’occultisme en vogue fin XIXème début XXème siècle.

Ainsi, un écrivain de talent mais pas encore connu choisit à l’occasion d’une rencontre peut-être fortuite de confier à un jeune homme beau, intelligent, son manuscrit.

Ce dernier obtiendra sa publication et se fera passer pour l’écrivain. Ce jeune homme Jonathan ABSALON VARLET au surnom de CHESTERFIELD devient une écrivain célèbre aux yeux du monde tandis que Cyril PUMPERMAKER choisit de rester dans l’ombre, ils sont tous les deux d’accord et s’embarquent dans une aventure extraordinaire.

« VARLET n’était pas d’une beauté remarquable mais il portait sur lui je ne sais quelle grâce qui, accordée à la voltige de ses paroles, de ses mains et de la lumière bleue de ses yeux, le rendait proprement irrésistible. »

« Je n’aurai pu écrire sans le truchement de CHESTERFIELD, vraisemblablement par le fait que mon patronyme était un bâillon alors que mon pseudonyme m’est un masque. Le premier m’étouffait, me contraignait au mutisme, à l’impuissance ; l’autre me cache et, me cachant, il me libère. »

CHESTERFIELD est un idéaliste, un Arsène Lupin qui montre pour ne pas montrer

Avant la seconde guerre CHESTEFIELD voit les évènements. « L’Europe est paralysée par des démocraties, hormis l’Italie qui prépare le tragedia dell’arte ! Mais l’Angleterre, la France, les Pays Bas, l’Espagne, tout ce monde ronronne. On se croit encore après la guerre. Or c’est avant la guerre que nous sommes ! »

« C’est alors que me revint à la mémoire la lettre de Lord AMBERGRIS sur CAIN et sur ABEL. « CAIN qui construit de main d’homme la civilisation, ABEL qui élève avec son rang et son sacrifice. D’un côté la construction, de l’autre la croissance. » L’homme était-il condamné à ne construire que des Babels ou à s’offrir en martyr ? »

Croyez-moi, l’amitié n’est qu’un leurre, une sorte de bassin tiède où tremper les pieds. Seul l’amour, lui seul, serait digne d’arracher les écluses, de rejeter d’un coup toute l’eau des sources vers la mer ! Tout le reste n’est que confort, alibi, spéculation, navrant exercice de besogneux. »

« L’éclair traverse la nue, l’homme frappé de plein fouet s’écroule, il choit du cheval, entendez qu’il choir de tout le haut de ses certitudes. Quelle chute ! Avec Paul c’est tout l’Occident qui s’est retrouvé sur le sol ! »

PUPERMAKER écrit son deuxième roman sur Jakob BOEHME, ce cordonnier théosophe aux visions hermétiques qui voyage au cœur de la création, le cœur de Dieu.

« En fait, ce que je devinais chez BOEHME était cette formidable vision cosmique qui brisait le carcan des dogmes étroits et des Eglises constituées. Mon petit personnage de SOMERSET changé en JACOB allait incarner la naïve pureté face aux raisonneurs. »

« Toute organisation est contraire à l’esprit. Peu importent les institutions, mêmes si elles sont nécessaires à quelque niveau. Seul le temple intérieur réunit les vrais fidèles. »

Jakob BOEHME parle de l’église de pierre qu’il oppose à l’Eglise de Pierre, dis-je rapidement. D’un côté la pétrification, de l’autre la résurrection. »

Je l’ai dit (Pupermaker) : je n’avais aucune base chrétienne solide, mais  il me paraissait évident que le Veau d’or pouvait être le Christ dans la mesure où son adoration faisait stagner l’esprit. »

« Mon œuvre était lue, admirée, respectée. Ma fortune était assurée. Qu’importait mon anonymat ? N’avait-il pas, au contraire, l’avantage de ma laisser en repos tandis que mon double s’époumonait à travers le monde ? Sans l’avoir voulu, n’avais-je pas découvert la solution idéale à tout écrivain ? Je ma réconfortais à cette pensée et commençais de plaindre VARLET et ses manigances. »

Jonathan s’occupe du monde mais son mentor le Lord lui avait enseigné beaucoup de choses.

« Quant à Jakob BOEHME, savez-vous que la traduction de ses œuvres par SPARROW et LAW était l’une des lectures favorites de mon lord ? Il voyait dans le cordonnier de GORLITZ le pont entre la Kabbale juive et l’alchimie grecque et arabe, le précurseur de toute la pensée herméneusienne occidentale. »

Chacun effectuera un chemin initiatique qui aboutira à des mutations internes majeures. L’histoire est dense, philosophique. Pour vivre heureux faut-il vivre caché ? L’argent fait-il le bonheur ? Comment l’utiliser ? Qu’apportent vraiment la gloire et la notoriété ? Y-a-t-il vraiment deux hommes ? Pour arriver au pouvoir, à la gloire, il faut parler, séduire, duper au mépris de la profondeur des choses. Ambiguïté des sentiments, des situations, finalement qu’aurions-nous voulu être CHESTERFIELD ou PUPERMAKER ?

« Toute l’aventure humaine est tragique, n’est-ce pas, puisque son bonheur lui est compté. »

« Après tout Jonathan ? Vous êtes l’une de mes créatures vous aussi. Lorsque vous m’êtes apparu dans ce petit bar à côté de la gare WATERLOO et ensuite au ROSEMULLION hôtel, c’est de mon imagination que vous sortiez, mon cher ami. Il m’arrive d’ailleurs souvent de penser que tous les gens que je rencontre sont des personnages que je suscite et qui n’ont de vérité que par moi. »

« C’est pourquoi à la croyance, je préfère la foi, c’est-à-dire la fidélité. Mais pour être fidèle, il faut croire ! m’exclamai-je. Il suffit d’espérer, fit-il simplement. »

« Nous devenons vite égoïste lorsque l’accumulation des misères chez les autres risques de nous rendre solidaire de leur destin. »

« Nous acceptons de compatir mais nous refusons de participer. Chacun est seul face à sa souffrance parce que nous ne pourrions pas supporter celle des autres. Voilà ce que je pensais alors. Et pourtant j’avais écrit Le Roi des Singes ou SOUEN prend sur ses épaules le malheur de sa tribu. Mais comme il y a loin du héros à l’écrivain ! C’est parce qu’il construit des chevaliers, parce qu’il a peur des femmes qu’il invente des DON JUAN. »

« L’Occident ne connaît guère deux thèmes celui de FAUST ou de DONJUAN qui sont les antidotes de Saint Antoine, avec comme variantes Don Quichotte et Hamlet. »

« Un déterminisme vague et mou s’est abattu sur nos pensées, mais contrairement à ce que pensait CALVIN nous ne sommes plus déterminés pour le salut mais pour l’absurde, qui est la forme moderne de la damnation. »

« Nous sommes des fétus que le torrent emporte mais restera notre regard, même lorsque nos yeux se seront fermés. Le regard de l’homme sur le monde, Jonathan, c’est cela qui n’est pas absurde, le monde serait-il cent fois plus insensé. C’est un mélange de tristesse et de révolte, de peur et de courage, de lucidité et de folie, mais c’est le seul regard dans tout l’univers qui n’accepte pas sa mort. Il sait que la terre se refroidira, que les étoiles tomberont, que le soleil et qu’il n’est rien de durable, mais il affirme qu’il ailleurs une autre durée, une autre terre, d’autres étoiles, un autre soleil qui, eux, sont éternels. C’est ce regard naïf et prodigieux de l’homme qui ordonne le chaos, l’ensemence, l’engrosse et le fait accoucher de l’esprit, rare oiseau de fau tout grelottant de froid dans le cachot où nos contemporains le dédaignent, les malheureux ! Sans ce regard, l’homme se fait esclave de la mort. Sans ce regard, notre temps est condamné à périr. »

« Curieuse civilisation qui refuse l’idée de Dieu avec hauteur mais s’adonne aisément au diable ! »

« Toutefois, ainsi que Jonathan l’avait bien compris, ce n’est pas seulement le fascisme qui cache son mufle hideux derrière le masque, mais aussi bien le communisme. »

« Reste CHESTERFIELD, Gilbert KEITH CHESTERFIELD, né de mes rêves d‘adolescent et qui s’incarne si curieusement dans ce siècle bouleversé. »

Nous sommes saturés de significations, et nous avons perdu le sens. Apprenons modestement à perdre ces significations multiples qui nous étouffent et nous recouvrerons le sens, c’est-à-dire le à quoi ça sert. A quoi sert l’homme ? A quoi sert le monde ? C’est la seule question qui soit digne d’être posée. En effet, l’homme n’est peut-être pas fait pour le bonheur, mais il importe que, de toute son courage, il affirme son refus de l’absurde, sa croyance en un destin. »

Jonathan « L’humanité s’universalise. Toutefois on le voit bien plus elle s’universalisera, plus elle se fragmentera. Le projet d’une unité mondiale telle que nos parents pouvaient en rêver est non seulement irréalisable mais absurde ! Trop de disparités dans les économies, les mœurs , les idéologies. »

« C’est dans l’exil que s’édifie le temple. Dieu ne se révèle qu’au désert. »

« Tout court à l’abîme. Jamais la nuit ne fut aussi noire et nous qui sommes plongés dans cette nuit, nous savons qu’elle sera beaucoup plus noire encore. Nous n’en sommes qu’aux heures du vendredi saint. »

« L’homme moderne est tragique parce qu’il a perdu son langage. Sa parole n’est plus qu’un pouvoir creux sur des objets dévalués. L’accumulation des significations est le signe de la perte. »

« La virginité est précieuse mais elle doit enfanter sinon elle est comme une terre frappée de stérilité. Ce sont deux vers de SILESIUS et c’est justement cela que BOEHME a confié à la philosophie occidentale et qu’elle n’a pas entendu. »

« Qu’est-ce que le pur et l’impur dans une époque qui ne connaît que le mélange ? »

« Nous cautionnons l’usurpation et le crime, et cela par faiblesse ! Nous engraissons la Bête ! Demain, Hitler, armé, botté et casqué, annexera l’Autriche, comme il l’a promis car il l’a promis ! Puis ce sera le tour de la Tchécoslovaquie et pourquoi pas ? de la Pologne. Le pangermanisme savez-vous ce que c’est ? L’ombre du poulpe qui se projette sur le monde tandis qu’il fascine les consciences, les endort avant de les corrompre ! Que pouvais-je faire de plus que d’avertir les gouvernements, les journaux, l’opinion ? On m’a ri au nez, et maintenant que l’on commence à avoir peur, on recherche des victimes expiatoires. »

« La renommée d’un homme est le miroir de ceux qui l’admirent. »

B9730146017ZFrédérick TRISTAN

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