Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

lire et philosopher pour vivre

Derniers commentaires
Albums Photos
Newsletter
9 abonnés
lire et philosopher pour vivre
  • Je vous propose mes diverses lectures sur des thématiques étendues : littérature, philosophie, histoire, poésie, à partir de 2015 également politique, sociologie, et des réflexions sur des thèmes d'actualité.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Archives
22 novembre 2023

"La véritable histoire du Petit Prince" Alain VIRCONDELET

 

ro30331139

 

 

 Le Petit Prince », ce chef d’œuvre poétique qui a dépassé son géniteur, a traversé les années pour être une référence pour tous. Consuelo son épouse sera la rose, cette rose que Gilbert BECAUD remettra à Consuelo après la mort d’Antoine, lui rappelant que l’important c’est la rose.

Ce petit Prince est un dessin, qui est devenu une poésie, un conte philosophique, une introspection, l’œuvre d’une vie. Antoine de Saint EXUPERY était un homme tourmentée, pilote, écrivain ou écrivain pilote ? Un homme avec ses travers : infidélité, instabilité, un homme du ciel dans son avion mais aussi dans une cellule monacale de SOLESMES. Malgré ses maîtresse, ses absences, le couple a existé jusqu’au bout, rendu éternel par la Rose et ce que voit le cœur. Antoine disparaîtra lors d’une mission, il s’évaporera pour aller voir si les lampadaires sont allumés, et laissera une épouse epleurée mais pas surprise. 

La véritable histoire du Petit Prince" est un livre écrit par Alain VIRCONDELET qui explore la vie et l'œuvre d'Antoine de Saint-Exupéry, l'auteur du célèbre livre "Le Petit Prince". Voici un résumé de ce livre : L'ouvrage commence par retracer la vie d'Antoine de Saint-Exupéry, un écrivain et aviateur français du XXe siècle. Il raconte son enfance, sa passion précoce pour l'aviation et sa carrière dans l'aviation civile, en particulier dans la compagnie aéropostale, où il a effectué des vols de courrier dans le désert du Sahara en Afrique du Nord.

« On pourrait ainsi commencer l’histoire : au café ARNOLD, sur Colombia Circus, à New York, un certain jour de l’été 1942. C’est là que semble se nouer la véritable aventure du Petit Prince. Donc ce jour-là, au Café ARNOLD, tandis que le garçon dessert la table, il dessine un petit garçon aux cheveux en bataille. »

« Que s’est-il passé depuis son arrivée à New York pour qu’il soit dans cet état de désespérance et d’angoisse ? Il ne sait guère lui-même, il éprouve amèrement un mal être, une inaptitude à retrouver cette forme d’espérance, de ferveur et de joie qui l’avait toujours animé. »

« Le 31/12/1940, il découvre New York. Il croit y trouver un peu de paix, faire une pause, mais la guerre le talonne et l’obsède. »

« Il fallait tout subir en même temps, la guerre, la défaite de la France, l’avancée de HITLER, sa marche inexorable, « la saloperie des journaux », la haine des écrivains de New York, leurs bavardages incessants, l’impossibilité d’être en paix avec Consuelo, les jalousies des ex et des maîtresses en titre, et les souffrances physiques, les traces de ses multiples opérations chirurgicales, la mauvaise réputation qu’on lui faisait subrepticement, méthodiquement… »

« Et New York, finalement, meurt elle aussi de soif. Elle s’assèche à ne compter que sur l’argent et la vie matérielle, elle qui pourtant aurait pu être le phare du monde moderne si elle n’avait recopié les vieux modèles ni convoqués les éternels mirages. »

« Antoine de Saint EXUPERY déteste la langue anglaise, se refuse à l’apprendre, se fait même une fierté de de parler français le plus classique, le plus exigeant. »

Le livre met en évidence la manière dont les expériences de Saint-Exupéry en tant qu'aviateur ont influencé son écriture, en particulier la création du personnage du Petit Prince. Il explique comment ses aventures dans le ciel et ses rencontres avec des personnes de différentes cultures ont nourri son imagination et sa sensibilité.

« Son rythme, où qu’il soit allé, est toujours le même : débridé, sauvage, bohême. Plaire et être aimé, il court sans cesse après ce désir venu de très loin en lui. »

L'auteur explore également les thèmes et les symboles présents dans "Le Petit Prince", comme l'importance de l'enfance, les relations humaines, la quête de sens, et la recherche de l'amitié et de l'amour. Il montre comment ces thèmes sont liés à la propre expérience de Saint-Exupéry et à ses croyances personnelles.

« Sa haine de l’intellectualisme le mène irrésistiblement à une philosophie pratique de la vie, une quête du bonheur qui passe par le sourire, la fidélité, la responsabilité, la reconnaissance de l’autre, le respect pour les anciens, la foi dans le sacré, en un mot, tout ce que la philosophie des Lumières avait rendu subalterne. »

« La civilisation du fer et de l’anonymat, des termites aveugles et obéissants, celle qu’il appelle « le bagne », ne reconnaît pas les enfants qui ont conservé les souvenirs exquis des jours heureux, elle ne se fait pas bercer sous la pélerine d’étoiles des nuits paisibles, elle ignore ce que peut bien vouloir dire vérité paysanne, unir des hommes, le goût de Noel. A avoir ignoré toutes ces notions, l’enfance s’en est allé, et la civilisation de la pierre et du fer l’a remplacée. Pierre et fer dans le cœur aussi. Voilà le sujet  de son compte pour enfants. »

« Saint EXUPERY écrit toujours dans l’angoisse et l’urgence, et même le frénésie. »

Enfin, le livre se penche sur la disparition mystérieuse de Saint-Exupéry pendant la Seconde Guerre mondiale et sur la découverte de son avion et de ses restes en Méditerranée des décennies plus tard. Cette histoire tragique ajoute une dimension poignante à la vie de l'auteur et à la perception de son œuvre.

« Il va s’enfuir sur son astéroïde pour cultiver ses roses. »

« Une version adoucie du fantasme monacal dont beaucoup de ses amis proches témoignèrent à la veille de sa disparition. Partir loin du monde vulgaire, rejoindre le silence et la paix d’une cellule, cultiver son verger et prier. »

« Il se sait saturnien, sujet à des phases d’exaltation euphorique enclin à des chutes, à des rédemptions foudroyantes, à des moments de dépression et d’effondrement au point qu’il veut mourir. »

« Nelly de VOGUE (sa maîtresse) dans ses « mémoires », elle raconte comment elle a servi Saint EXUPERY au long de ses années de fâcheries et de réconciliations, de disputes d’enfants bohêmes et artistes qui ne parviennent pas à vivre une vie bourgeoise organisée et assise. Elle raconte les attentes douloureuses pendant ses vols, les petites attentions qu’elle lui portait, confitures, petits plats soigneusement glissés dans son paquetage, les lettres qu’elle ne cessait de lui écrire pour qu’il ne se sente jamais seul. Saint EXUPERY dans ses bons jours, le reconnaît tout à fait, lui écrivait des lettres d’amour d’une intensité passionnelle digne des amants de RACINE, mais il revient vite à ses vieux démons, les copains, les soirées à boire et à faire la fête, le goût de la solitude, ce qu’il appelle le goût de SOLESMES, vivait toutes les contradictions, ascète et Don Juan, rigide et démesuré. »

« Mais Saint EXUPERY a toujours besoin de s’évader, de quitter le cercle magique et poétique de Consuelo : elle sature son espace par son imaginaire, sa sur-présence, son babil exubérant… Ce sont là ses défauts et ses qualités tout à la fois, il le sait. »

« L’année 42 s’achève dans la tourmente. La défaite des français, la folie des hommes, l’éternel exil, le spectre de l’amour impossible et des séparations et la dureté des rapports entre les êtres auront nourri davantage encore que prévu la matrice du Petit Prince. »

La véritable histoire du Petit Prince" explore la vie d'Antoine de Saint-Exupéry, met en lumière les liens entre sa vie et son œuvre, et offre un aperçu de la genèse et de la signification de "Le Petit Prince", l'une des œuvres littéraires les plus célèbres et aimées au monde. 

« Le Petit Prince est le testament spirituel de Saint EXUPERY, comme s’il voyait se profiler à l’horizon des jours encore plus sombres et qu’il fallait par l’écriture retrouver un peu d’espérance. »

« Nul doute donc que Saint EXUPERY rameute dans son conte toute son histoire passée. Il possède ce caractère très attaché aux traditions, un goût forcené pour tout garder, et rien de son passé ne s’est envolé, dilué dans le grand tourbillon du temps. »

« La mystique du combat chère à PEGUY et dont il est nourri alimente son désir, l’exacerbe et l’obsède. »

« Il découvre peu à peu que ce conte pour enfants, au départ gageure et fantaisie, est en réalité une sorte d’accomplissement, le bilan d’une vie. »

« Le monde qu’il sent advenir est celui des objets et non celui des relations entre les êtres. En cela, il affirme que nous sommes des barbares et que beaucoup de barbares nous le sentons confusément, nous paraissent comme civilisés. En ces toutes premières semaines de 43, jamais Saint EXUPERY n’a autant éprouvé, et de façon aussi moderne, le sentiment de l’a quoi bon, la saveur si amère de l’absurde. SISYPHE et ICARE tout à la fois, il est ce petit Prince plein d’espérance qui, trop déçu de l’univers, repart sur sa planète retrouver sa rose… »

« Il pense que l’épreuve de la guerre est la seule possible pour retrouver sa pureté originelle, son âme d’enfance. »

« Les grandes questions de l’humble métaphysique de Saint EXUPERY sont maintenant posées. Elles se résument à un humanisme dont le cri intérieur résonne au cœur de tous les hommes : quel est le sens d’une vie si elle n’est pas conduite par l’amour, l’attention, la vigilance aux autres et par la rencontre ?

« Il porte sur lui une image pieuse de Thérèse de Lisieux, qui connut elle aussi la nuit obscure, le doute et le détresse. »

« La galerie des femmes qu’il a convoquée durant ces années qui précèdent sa mort révèle la quête infinie de son espérance intérieur, ce désir constant d’unité avec une femme, irréalisable parce qu’idéal. »

« SOLESMES est toujours invoqué comme lieu d’éblouissement, de la rencontre. »

« Tâcher que sa chambre de soldat retrouve du sens « chambre idiote » si elle n’est pas vouée à recevoir du sens : référence à la cellule monacale à laquelle il pense toujours, but ultime, lieu du salut où recouvrer la pureté. »

Alain_Vircondelet_-_Salon_du_livre_de_Paris_-_24_mars_2013Alain Vircondelet

Publicité
23 février 2023

"La peste" Albert CAMUS

La_Peste_book_cover

 

 

Après une lecture de l’étranger, nous sommes en terres connues dès les premières pages de la peste. L’Algérie, le soleil, les grandes rues géométriques, une vie sans vie ou presque.

" Une manière commode de faire connaissance d’une ville est de chercher comment on y travaille, comment on y aime et comment on y meurt. "

 Puis arrive insidieusement les rats. Nous sommes en 1942 et l’analogie avec l’envahisseur nazie est à retenir, nous allons vivre dans l’univers de la maladie comme d’autres vivront dans l’univers de la guerre. " Si aujourd’hui la peste vous regarde, c’est que le moment de réfléchir est venu. "

Le roman autorise une double lecture : la guerre et l’épidémie qui débutent et vont être destructeurs.

Tout comme la guerre la maladie qu’on voit venir mais à laquelle on ne veut pas croire.

La peste frappe et le narrateur et personnage principal du livre le docteur RIEUX nous fait entrer de plain pied dans l’univers des hommes confrontés à la maladie.

" Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer."

" Ils se croyaient libre et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des fléaux. "

Tous les travers et qualités humaines sont décrits, courage, lâcheté, déni, …

" Dans la détresse générale, l’égoïsme de l’amour les préservait, et, s’ils pensaient à la peste, ce n’était jamais que dans la mesure où elle donnait à leur séparation des risques d’être éternelle "

Une réflexion sur la maladie, la guerre, la mort avec des mots simples. Cette maladie au pays du ciel bleu et du soleil doit vivre avec le soleil de la maladie, de la guerre.

" Le soleil de la peste, éteignait toutes les couleurs et faisaient fuir toute joie. C’était là une des grandes révolutions de la maladie. "

"Le soleil incessant, ces heures au goût de sommeil et de vacances, n’invitaient plus comme auparavant aux fêtes de l’eau et de la chair. "

Le médecin RIEUX et l’écrivain CAMUS partagent l’observation de ce qui se passe.

Seul le présent compte, un nouveau rapport au temps, et à la mort s’installe.

" C’est au moment du malheur qu’on s’habitue à la vérité, c’est-à-dire au silence. "

Dieu n’est pas là et CAMUS exhorte chacun à combattre.

 … " mais puisque l’ordre du monde est réglé par la mort, peut-être vaut-il mieux pour Dieu qu’on ne croît pas en lui et qu’on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers ce ciel où il se tait. "

La maladie fait de nombreux morts, petit à petit elle s’étend inexorablement.

" Dans le souvenir de ceux qui les ont vécues, les journées terribles de la peste n’apparaissaient pas comme de grandes flammes somptueuses et cruelles, mais plutôt comme un interminable piétinement qui écrasait tout sur son passage. "

" Pour ceux-là, mères, époux, amants qui avaient perdu toute joie avec l’être maintenant égaré dans une fosse anonyme ou fondu dans un tas de cendre, c’était toujours la peste."

" Les loups sont entrés dans Paris", mais aussi les rats qui répandent et disparaissent. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que les loups et les  rats peuvent toujours revenir le sang dans la bouche.

1200x680_camus_1959_credit_bettmann_gettyAlbert Camus

2 février 2023

"L'anomalie" Hervé Le Tellier

 

l'anomalie

 

« Victor MIEASEL écrivain de ‘l’anomalie » héros du livre à « 43 ans , dont quinze passés dans l’écriture, le petit monde de la littérature lui paraît un train burlesque où des escrocs sans ticket s’installent tapageusement en première avec la complicité de contrôleurs incapables, tandis que restent sur le quai de modestes génies. »

Un avion français atterrit en juin, il est la copie conforme du même avion qui avait atterrit en mars, mêmes pilotes, mêmes passagers, même endroit, situation inexplicable, imprévisible.

A quoi avons-nous à faire ? Tous les experts se mettent au travail.

« A quoi sert de savoir ? Il faut toujours préférer l’obscurité à la science. L’ignorance est bonne camarade, et la vérité ne fabrique jamais du bonheur. »

« Le mathématicien observe cet homme primaire, et il se conforte dans l’idée désespérante qu’en additionnant des obscurités individuelles on obtient rarement une lumière collective. »

Anomalie, réalité physique inconnue, schizophrénie, hallucination collective, chaque personne de l’avion à son double. Ce double de juin peut choisir d’autres options pour sa vie. « Nous sommes prêts à tordre la réalité si l’enjeu est de ne pas perdre tout à fait. Nous voulons une réponse à la moindre de nos anxiétés, et un moyen de penser le monde sans remettre en cause nos valeurs, nos émotions, nos actions. »

Nous pensons à DOSTOVIESKI et son double source d’une maladie psychiatrique, aux jumeaux, au miroir, devenir son propre miroir.

Sommes-nous virtuels et manipulés, sommes-nous illusions ? Dieu s’amuse-t-il avec nous ? Des extraterrestres ? Est-ce au contraire un message ? Nous ne sommes plus uniques ! imagination quand tu nous tient !

« PROMETHEE a volé le feu du ciel et Zeus, pour se venger de lui et des hommes blasphémateurs, offre à son frère EPIMETHEE la main de PANDORE. Dans les bagages de la femme, Zeus GLISSE UN CADEAU, une boîte mystérieuse, un vase en fait, qu’il lui a interdit d’ouvrir. Mais trop curieuse, elle désobéit. Tous les maux de l’humanité qu’il y a enfermés s’échappent alors : la vieillesse, la maladie, la guerre, la famine, la folie, la misère…Un seul mal est trop lent pour s’échapper, ou peut-être obéit-il à la volonté de ZEUS. Vous souvenez-vous du nom de ce mal ? C’est l’espérance. »

Logique et magie se côtoient, des phénomènes échappent à l’homme qui se croit tellement supérieur, qui ignore sa finitude pour se vautrer dans une quotidienneté souvent pleine de compromis et d’égoïsme !

« Quelle joie, lorsqu’un ami meurt, de constater qu’une fois de plus, ce n’est pas nous »

« Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l’intelligence, et même le génie, c’est l’incompréhension.

La grande interrogation philosophique de ce livre est :  comment faire face à l’incompréhensible ?

Hervé Le TellierHervé Le Tellier

6 janvier 2023

"Les liens artificiels" Nathan DEVERS

 

5158QP0uhGL

« On ne vit ensemble qu’en étant séparés. Ensemble et séparés ; séparés, mais ensemble. »

Un jeune homme sans avenir, rivé sur son écran informatique, découvre un nouveau jeu, le Jeu qui offre une autre vie, dans un autre monde, le métavers. « Dans l’antimonde, votre anti-moi pourra tout faire, il réalisera tous les fantasmes que le monde ne vous permet pas d’accomplir. »

Il deviendra un personnage adulé par la poésie et par hasard, mais factice et anonyme dans le monde réel. Son périple entre ces deux mondes, le conduiront au suicide en direct sur les réseaux sociaux.

Une schizophrénie à grande échelle qui génère une confusion totale du moi pour devenir cet anti moi dans un antimonde. Le créateur du jeu est un mégalomane qui finit par se prendre pour Dieu créateur du monde et des hommes. « L’idée de paradis s’était implantée en l’homme à la naissance des religions. A l’instar des maladies qui se déclarent au terme d’une période d’incubation, elle avait infusé longtemps avant  de devenir un phénomène concret : un réseau cybernétique de liens artificiels. »

« Antimonde, clamait-il, serait le plus grand jeu jamais inventé par l’espèce humaine. »

C’est un roman passionnant, d’anticipation, l’homme réseaux veut s’échapper de son réel, pour fuir sa médiocrité où ce qu’il croit être sa médiocrité, sa finitude, son ennui…

« Tantôt ce paradis prenait la forme du monde des idées, tantôt d’un tableau de Michel-Ange ou d’une utopie collectiviste. Parfois on l’appelait sagesse, parfois démocratie directe et parfois cité de Dieu. Mais le principe demeurait identique : l’espèce humaine habitait l’univers en essayant par tous les moyens de modifier les conditions de son existence. »

Ce n’est pas un voyage intérieur, mais extérieur, le pire, celui qui ne mène à rien, celui qui distraira mais ne changera rien.

« Être moi-même ? Je n’ai jamais eu cette folle prétention, moi qui, en digne Cyrano des temps modernes, me noie dans mon miroir faute d’y savoir nager. »

Plus l’homme fuit le réel, pour finir par nier sa corporalité, plus il devient accroc à une nouvelle drogue dure, la fuite en avant de son humanité, fuite qui ne l’empêchera pas de se retrouver à moment en face de lui-même, démuni, devant une deuxième mort qu’il s’est inventé lui-même.

« Une infinités d’autres mondes, écrivait le philosophe, sont également possibles et prétendent à l’existence. »

« En cet automne 2022, le vrai et le faux étaient devenus des valeurs indistinctes. »

257489b32fae0b643c160238b6b261b0Nathan DEVERS

15 décembre 2022

Nouvelle année

branch-4705310_1920_opt

2023 sera l'ouverture d'une rubrique hermétisme, spiritualité qui ne sera constituée que d'extraits de mes lectures, sans commentaire.
Je débute cette série par Jacob BOEHME.
Pour le reste un programme ambitieux qui ira de RABELAIS à PROUST, d'ALAIN, à de nombreuses autres lectures littéraires, philosophiques, sociologiques, artistiques.
Pour terminer cette année 2022, je vous propose un poème de Saint John Perse que j'affectionne particulièrement et je vous souhaite un Joyeux Noel ainsi que d'excellentes Fêtes de fin d'année.
Midi, ses fauves, ses famines, et l'An de mer à son plus
haut sur la table des Eaux...
Quelles filles noires et sanglantes vont sur les sables
violents longeant l'effacement des choses?
Midi, son peuple, ses lois fortes...L'oiseau plus vaste sur
sen erre voit l'homme libre de son ombre, à la limite
de son bien.
Mais notre front n'est point sans or. Et victorieuses
encore de la nuit sont nos montures écarlates.
Ainsi les Cavaliers en armes, à bout de Continents, dont
au bord des falaises le tour des péninsules.
Midi, ses forges, son grand ordre...Les promontoires
ailés s'ouvrent au loin leur voie d'écume bleuissante.
Les temples brillent de tout leur sel. Les dieux s'éveillent
dans le quartz.
Et l'homme de vigie, là-haut, parmi ses ocres, ses craies
fauves, sonne midi le rouge dans sa corne de fer.
Midi, sa foudre, ses présages; Midi, ses fauves au forum,
et son cri de pygargue sur les rades désertes!...
Nous qui mourrons peut-être un jour disons l'homme
immortel au foyer de l'instant.
L'Usurpateur se lève sur sa chaise d'ivoire. L'amant se lave de ses nuits.
Et l'homme au masque d'or se dèvêt de son or en l'honneur de la Mer.
Midi, ses fauves, ses famines...
Saint John PERSE
Publicité
8 décembre 2022

"Kafka sur le rivage" Haruki MURAKAMI

Image_20221208_0001

 

Tu voyages

Sans âge

Tu cherches des visages

Des images

Tu dissipes les nuages

Tu sors de ta cage

 

KAFKA dans le roman est un prénom, un tableau, une chanson, MURAKAMI manie le vrai et la faux , le tableau représente un homme de dos assit sur une chaise longue qui regarde la mer. « Il faut que je m’en sorte par moi-même. Donc il faut que je sois fort. Comme un corbeau égaré. C’est pour ça que j’ai choisi le nom de KAFKA. Cela signifie corbeau en tchèque, vous savez. »

KAFKA et l’absurdité du monde, l’immensité de la mer impénétrable, et cet homme de dos, sans visage, inconnu, au milieu d’un tout qui l’interroge. Le jeune TAMURA choisit ce prénom pour marquer des séries d’évènement incompris, qui se découvrent dans un désordre total en apparence. KAFKA a quinze ans, il quitte son père et entame un parcours, un cheminement vers un lieu précis sans savoir ce qu’il va trouver et que pourtant il cherche profondément. Bien sûr cela ressemble étrangement à une psychothérapie.« Avant de quitter la maison, je me récure les mains et le visage avec du savon. Je me coupe les ongles, me nettoie les oreilles, me lave les dents. Je prends mon temps pour bien me purifier. Dans certains cas, être propre est la chose la plus importante qui soit. »

Il cherche sa mère qu’il n’a pas connu, il se cherche également, une introspection inévitable ! « Elle éloigne ses mains de mon corps. Elle lève les yeux vers mon visage. Elle tend la main, pose un doigt sur mes lèvres. Regarde le tableau, dit-elle calmement, Fais comme moi, regarde le tableau, sans cesse. »

Dans son périple, il rencontre quelques personnages, de vraies rencontres et d’autres éloignées apriori sans rapport avec lui tel TANAKA que l’on découvre enfant puis adulte entamant lui aussi un voyage initiatique. C’est une bibliothèque la destination de KAFKA, importance de la musique mais aussi du livre. La jeune directrice Mlle SAEKI qui est l’interprète de la chanson KAFKA sur le rivage est parfois jeune, parfois plus âgée, aux yeux de KAFKA elle est son amie, sa petite amie, sa mère, cette mère qu’il cherche tant ! Nous n’avons jamais de certitudes.

Le jeune bibliothécaire OSHIMA qui n’est ni homme ni femme va l’aider et emmène KAFKA dans une maison isolée près d’une forêt, au sein de laquelle il fera un parcours psycho-initiatique. « Tu sais, KAFKA, la plupart des gens dans le monde ne veulent pas vraiment être libres. Ils croient seulement le vouloir. Pure illusion. Si on leur donnait vraiment la liberté qu’ils réclament, ils seraient bien embêtés. Souviens-toi de ça. En fait, les gens aiment leurs entraves.»

Nous retrouvons dans ce roman les lieux isolés qu’affectionne MURAKAMI, la complexité de l’humain, c’est aussi une aventure intérieure.

Parallèlement NAKATA, qui suite à un accident inconnu enfant se retrouve hors du monde tel un autiste, entame un voyage dont nous ne connaissons pas le but, il rencontre HOSHINO sur son chemin qui abandonne tout pour le suivre comme un apôtre suivrait JESUS. « NAKATA n’en voulut aucunement à ses frères de la traiter si froidement. Il était habitué à la solitude et se sentait gêné quand les gens s’efforçaient d’être gentil avec lui. Il n’était pas non plus particulièrement en colère contre son cousin qui lui avait volé ses économies de toute une vie. Bien sûr, pour lui, c’était ennuyeux, mais il n’était pas spécialement déçu par l’attitude de son cousin. Il ne savait pas ce que signifiait une « station de sport d’hiver », ni ce que signifiait le mot « investissement ». Pas plus ce qu’était un « emprunt ». Il vivait dans son monde à lui, un monde au vocabulaire limité. »

NAKATA était vraiment particulier, détenteur d’un savoir, de perceptions que les autres n’avaient pas. « NAKATA avait rencontré de nombreux chats dans sa vie mais jamais aucun connaissant les opéras et les automobiles. »

On ne sera pas ce qui arrive à TANAKA, il meurt, ni à Mlle SAEKI, le jeune KAFKA chemine peut-être dans un monde imaginaire. Toutes les questions n’ont pas de réponse mais les avoir exhumées suffit peut-être. Le temps fait son œuvre et dans ce parcours, il est possible de penser que KAFKA est sur le rivage.  

« Finalement dans ce monde, ce sont ceux qui dressent les plus hautes barrières qui survivent le plus sûrement, et si tu nies ce principe, tu seras refoulé vers la brousse. »

RHaruki MURAKAMI

 

31 octobre 2022

« Les hommes contre l’humain » Gabriel MARCEL

 

Image_20221031_0001

 

Préface

« Le mal est un mystère, il n’est rien qui se laisse assimiler à un défaut ou même à une défectuosité. Sur ce point, je serais tenté de dire grosso modo que ce sont les gnostiques qui ont raison, de Jacob BOEHME à SCHELLING et à BERDIAEV, et non point du tout les philosophes ratiocinant, égarés ici encore par l’esprit d’abstraction. »

(De façon très générale, la gnose est une doctrine philosophico-religieuse selon laquelle le salut de l’âme passe par une connaissance (expérience ou révélation) directe de la divinité, et donc par une connaissance de soi). Ratiocinant (raisonner de façon subtile et trop abstraite, se perdre en considérations interminables, ergoter sur des détails).

« Ne cherchons pas à nous persuader qu’une éducation des masses est possible. »

BOEHME nous dit que l’âme est indestructible et qu’elle a le choix qu’entre enfer et paradis. Ce libre arbitre pérennise le mal et l’enferme ad vitam aeternam.

Qu’est-ce qu’un homme libre ?

« Tout ce qu’on peut dire, c’est que, dans un pays qui reconnaît ce qu’on appelle d’une façon très générale les droits de la personne humaine, un certain nombre de garantie subsistent ; mais il faut ajouter aussitôt que ces garanties sont de moins en moins nombreuses, et qu’à moins d’un renversement actuellement bien improbable du cours des choses, elles sont appelées à se réduire de plus en plus. »

« Nous avons à proclamer que nous n’appartenons pas entièrement à ce monde des choses auquel on entend nous assimiler, dans lequel on s’évertue à nous incarcérer. »

La consommation et sur consommation nous enferme et restreint nos libertés avec notre consentement, sous influence également. Les nouvelles technologies facilitatrices sont la fin de nos libertés aussi bien externes qu’interne.

Les libertés perdues

« Il vient un moment où la sensibilité surmenée cesse de réagir. »

« Nous ne savons que trop malheureusement combien la pensée se raréfie, là où en fait les responsabilités sont les plus lourdes : peut-être n’est-ce pas là une fatalité inhérente à la démocratie prise en elle-même (ces mots d’ailleurs ont-ils un sens ?) ; mais c’est au moins une déficience de fait dont la France en particulier souffre depuis de longues années. »

Gabriel MARCEL écrit ce livre en 1951 et il perçoit déjà en profondeur nos maux.

Les techniques d’avilissement

« On ne le dire jamais trop fortement, la crise que traverse aujourd’hui l’homme occidental est une crise métaphysique ; il n’y a probablement pas de pire illusion que celle qui consiste à s’imaginer que tel ou tel aménagement social ou institutionnel pourrait suffire à apaiser une inquiétude qui vient du tréfonds même de l’être. »

 Nous constatons que c’est bien plus que des problèmes d’identité que nous rencontrons mais une crise existentiel sans précédent que nous avons créé.

« L’histoire c’est ce général brillamment chamarré, légèrement impotent, qui passe en revue des troupes en grande tenue de service sur le champ de manœuvre, dans quelque ville de garnison. »

« Comme le dit très profondément BERGSON tout progrès technique devrait être équilibré par une sorte de conquête intérieure, orientée vers une maîtrise toujours plus grande de soi. »

Nous sommes vraiment inscrit dans la pensée de RABELAIS « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Nous vivons quasi pleinement le sans conscience !

« Dans le monde d’aujourd’hui, on peut dire qu’un être perd d’autant plus conscience de sa réalité intime et profonde qu’il est plus dépendant de toutes les mécaniques dont le fonctionnement lui assure une vie matérielle tolérable. »

« C’est que la technique se présente de plus en plus à des êtres, chez qui toute vie intérieure est trop souvent aveuglée, comme le moyen infaillible de réaliser un confort généralisé hors duquel ils ne peuvent concevoir le bonheur. »

Voilà le diagnostic le plus éclairé qui soit, plus de vie intérieure ou si peu, le bonheur confondu avec le matérialisme. Peu échappe à cette mécanique infernale.

« Il me paraît à peu près certain qu’une sagesse authentique comporte des références à une réalité qui échappe par exemple au dilemme institué par SARTRE entre un être en soi, qui correspond à ce qu’on a toujours appelé la matière, et un être pour soi, qui n’en est en fait que l’effondrement interne. »

« Mais ce qui doit surtout nous frapper dans ce que j’ai appelé l’émancipation technique, c’est le fait que ce qui est appelé émancipation technique, c’est le fait que ce qui est au départ un ensemble de moyens au service d’une fin tend à être apprécié et cultivé pour soi-même, et par conséquent à devenir centre ou foyer d’obsession. »

Un foyer d’obsession c’est exactement ce que sont devenus consoles de jeux, téléphones portables, télévisions…

« Je suis d’ailleurs bien loin de soutenir qu’il y ait là une dégradation fatale. Mais ce qu’on peut dire, c’est qu’il est de moins en moins probable, dans un monde livré aux techniques, que l’individu trouve en lui le pouvoir de se libérer d’un ensemble de contraintes qui se présentent dans bien des cas comme des séductions : ceci est rigoureusement vrai, non seulement de la propagande, mais de toutes ses annexes publicitaires et pseudo-artistiques. Ce n’est pas tout, parce que dans un semblable le domaine propre de la vérité est de plus en plus désaffecté et déserté, il est tout à fait naturel, nous l’avons vu, que l’imposture tende à proliférer comme une végétation parasite, à la faveur des moyens techniques dont disposent aujourd’hui tous les charlatans pour imposer leur orviétan aux badauds. Il y aurait d’ailleurs bien d’autres points sur lesquels il serait nécessaire d’insister ici. Je songe en particulier au prodigieux avilissement de la discussion, des bases mêmes de la discussion, dont chaque jour nous apporte les plus désolants témoignages. Pour exécuter l’adversaire, ou pour le mettre Knock out, il suffit de lui accoler une étiquette, et aussi de lui jeter à la figure ; comme on vide un flacon de vitriol, une accusation massive à laquelle il lui est impossible de répondre ; l’autre étant désarçonné, on déclarera qu’il avoue et capitule. C’est ainsi que dans certains milieux, il sera impossible de porter un jugement nuancé sur certains personnages contemporains et sur leurs intentions initiales sans être automatiquement classé parmi ceux qui approuvent les méthodes de BUCHENWALD et d’AUSCHWITZ. »

C’est exactement ce que l’on constate sur nos médias, et ailleurs, plus de discussion mais des ostracisations avec par exemple l’appellation extrême droite qui condamne l’opinion de l’autre que l’on ne veut pas entendre, et par là même l’emploi de cette méthode est en fait un acte extrémiste.

« On juge souvent les autres d’après soi-même. »

« De toutes façons, celui qui est livré à l’imposture est peu à peu contaminé par elle au point d’en venir presque fatalement à y participer dans la sphère qui lui est propre. »

Technique et péché

« Il faut déclarer que l’étatisation de la science et de le technique est sans aucun doute une des pires calamités de notre temps. »

« Déjà nous pouvons apercevoir que si  l’homme peut devenir esclave de ses habitudes il doit pouvoir également se rendre prisonnier de ses techniques. »

« Le développement ou l’invasions de la technique ne peut pas ne pas entraîner pour l’homme l’oblitération, l’effacement progressif de ce monde du mystère qui est à la fois celui de l’espérance ; il ne suffit pas de dire en effet que dans ce registre le désir  et la crainte se trouvent portés au-delà de toute limite assignable, mais que la nature humaine tend à devenir de plus en plus incapable de s’élever au-dessus de l’un et de l’autre, et d’atteindre dans la prière ou dans la contemplation un sphère transcendante aux vicissitudes terrestres. »

« Dans le prolongement des remarques qui précèdent, on serait amené à penser que le développement outrancier de la technique tend à se superposer à la vie, et en un certain sens à lui substituer une superstructure presque entièrement factice, mais qui devient en fait pour les hommes le milieu dont ils ne semblent plus pouvoir se passer. »

« Cette même désaffection pour la réalité vivante est certainement une des causes profondes de la dénatalité que l’on constate dans beaucoup de pays de civilisation dite avancée. »

« Nous avons réussi à créé des vies parallèles hors de la réalité, hors de l’humanité, des vies qui se pensent réelles. Plus d’élévation, d’introspection, de morale, de limites…

Le philosophe devant le monde d’aujourd’hui

« Le philosophe du XIXème siècle s’est réduit dans la très grande majorité des cas au professeur de philosophie, et cela au scandale des esprits les plus lucides et les plus libres de leur temps, un SCHOPENHAUER ou un NIETZCHE, par exemple. »

« Dès le moment où le philosophe consent à être pris en charge par une publicité, par des imprésarios, il se nie comme philosophe. »

« Il suit de tout cela que la situation du philosophe en présence du monde d’aujourd’hui apparaît bien comme la plus dangereuse et la plus exposée qui soit. Je ne veux pas dire seulement qu’il peut s’attendre à avoir à expier son audace au fond de quelque geôle soviétique ou autre. Le danger est aussi et peut-être avant tout intérieur. C’est pour le philosophe une tentation difficilement surmontable de fuir, je ne dirai pas dans la science, car celle-ci, là où elle est pratiquée dans sa vérité garde toute sa valeur, toute sa dignité, mais dans une science prétendue, telle que la psychanalyse, par exemple, là où celle-ci s’émancipe et prétend devenir les clés de la réalité spirituelle. »

« J’ai dit dans mes Gifford lectures (le mystère de l’être), que nous vivons dans un monde qui semble bâti sur le refus de réfléchir. Il appartient au philosophe, et peut-être à lui seul, de s’attaquer à cette confusion-là sans présomption, certes, sans illusion, mais avec le sentiment qu’il y a là un devoir imprescriptible et qu’il ne peut s’y soustraire sans trahir son authentique mission. »

« La réaction a remplacé la réflexion de fonds et hélas certains philosophes tombent dans ce piège fatal, et ceux qui les écoutent finissent par être également contaminés.

La conscience fanatisée.

« La première remarque qui s’impose à nous, c’est que le fanatique ne peut en aucun cas s’apparaître à lui-même comme tel ; il n’est reconnu fanatique que par le non fanatique ; en sorte qu’il aura toujours la ressource en présence de cette appréciation, de cette accusation, de déclarer qu’il est incompris et calomnié. »

« La transcendance absolue n’est après tout qu’un autre aspect de ce qu’on toujours appelé l’infini, qui par définition nous dépasse de toutes manières et devant lequel nous ne pouvons que reconnaître notre néant. »

« La décision de non remise en question est ici fanatique par essence, et cette décision est à la racine de toutes les calamités que le fanatisme entraîne avec lui. »

« Comme l’ont vu de tous temps les plus grands penseurs de l’humanité, et je songe à PLATON, mais aussi à SPINOZA, il n’y a pas de justice possible là où la vérité n’est pas respectée. »

Nous sommes dans ce cas, plus de justice car la vérité n’est plus respectée. Les fanatiques de tout poil s’imposent dans toutes les couches de la société.

L’esprit d’abstraction, facteur de guerre.

« Il n’y a pas et il ne peut y avoir de fraternité dans l’abstraction. »

« Ce qui est égal, ce qui doit être posé comme égal, ce sont non point du tout les êtres, mais des droits et des devoirs que ces êtres sont tenus de se reconnaître les uns aux autres, faute de quoi c’est le chaos, c’est la tyrannie avec toutes ses affreuses conséquences la primauté du plus vil sur le plus noble. »

Notre société occidentale veut une égalité entre les êtres ce qui est une folie et nous en constatons les dégâts chaque jour. Quant aux droits et devoirs ils sont bien évidemment bafoués par les fanatiques.

La crise des valeurs dans le monde actuel.

« La plus grave erreur ou la pire déficience du scientisme a probablement consisté à ne jamais se demander ce que devient ou comment dégénère, ne disons pas la science, mais une vérité scientifique quand elle est inculquée à des êtres qui ne participent en aucune manière à l’ascèse ou à la conquête scientifique. »

« J’ai eu l’occasion de dire assez souvent ces derniers temps qu’il ne semble bien n’y avoir actuellement qu’une option possible pour l’homme : la termitière ou le corps mystique ; et le plus lourde faute qu’on puisse commettre consiste de toute évidence à les confondre. »

« L’amour lui-même n’est pas une valeur et, d’autre part, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de valeur sans amour. »

« Il y a tout lieu de penser que c’est seulement au sein de groupes très limités, de très petites communautés, que la liberté au service de la grâce peut effectivement s’exercer. »

Pratique-t-on l’épistémologie correctement ? Le refus de transcendance du plus grand nombre et de certains scientifiques, intellectuels, conduit à un monde déshumanisé. Des petits groupes peuvent combattre cet état de chose à condition d’en être conscient et de mettre l’égo de côté. Pour ma part je crois beaucoup plus aux voyages individuels, la vie est une épreuve individuelle.

Dégradation de l’idée de service et dépersonnalisation.

« Dans quelle mesure une administration est spiritualisable, mais comment sur ce point ne pas se montrer très pessimiste. »

« Et ce qu’il y a peut-être de plus tragique dans le monde qui se développe sous nos yeux à la façon d’une maladie, c’est l’apparition d’un type de réalité qui, après tout, est né de la pensée, mais qui est comme de la pensée déchue, et qui se présente comme antagonique par rapport à toutes les initiatives de l’esprit vivant. »

« Il me semble que je formulerai assez exactement ma pensée en disant que chacun de nous est tenu de multiplier le plus possible autour de lui les rapports d’être à être, et de lutter par là même aussi activement que possible contre l’espèce d’anonymat dévorant qui prolifère autour de nous à la façon d’un tissu cancéreux. »

« Mais, lorsque je pense fortement « mon frère » ou « mon prochain », je ne m’inquiète nullement de savoir si je suis ou si je ne suis pas son égal, précisément parce que mon intention n’est pas du tout crispée sur ce que je suis ou sur ce que je peux valoir. »

Les conceptions égalitaires fanatisées me font oublier mon frère et  ou mon prochain, pire ne plus le voir, l’apercevoir.

Pessimisme et conscience eschatologique.

« Nous constatons précisément  que les progrès de la technique, considérés in concreto, ont pour conséquence une réduction de plus en plus marquée du divers humain, un extraordinaire nivellement des sociétés, des manières de vivre. »

« L’idéologie aspire par nature à devenir propagande c’est-à-dire transmission automatiquement de formules magnétiques par une passion d’essence au fond haineuse, et qui ne prend corps qu’à condition de s’exercer contre une certaine catégorie d’humains élus comme boucs émissaires : les juifs, le chrétiens, les francs-maçons, les bourgeois, etc., tout cela suivant le cas. Rien n’est d’ailleurs plus frappant que de voir avec quelle facilité s’opère la substitution d’un bouc émissaire. »

« Il conviendrait de parler ici, une fois encore, de la tentation du nombre qui est sûrement une des plus redoutables que connaisse l’homme contemporain, ainsi que du prestige des statistiques, auquel on peut dire qu’à l’heure présente aucun corps constitué ne parvient à  se soustraire, même celui dont les fins sont les plus spirituelles (qu’on songe, par exemple, aux statistiques paroissiales ou diocésaines portant sur le nombre de communions). On ne saurait le répéter, je pense avec trop de force et d’insistance, c’est uniquement à condition de se soustraire à cette fascination du nombre qu’on peut espérer demeurer dans le spirituel, c’est-à-dire dans la vérité. Mais il faut bien dire que, dans le monde où nous sommes, tout semble s’agencer de la façon la plus visible et la plus tyrannique pour nous persuader du contraire. Une éthique de mensonge est en train de s’élaborer, qui commande à l’individu de s’anéantir devant cette multitude dont il n’est qu’un élément insignifiant et éphémère. »

Le nombre éteint l’individualité ontologique. La statistique fait office de Dieu vivant de référence absolue. Les progrès techniques ont changé radicalement nos visions du monde, nos demandes voire nos exigences. Le spirituel est sous le boisseau, avalé par l’indispensabilité de la technicité qui est impensé pour l’homme ordinaire.

L’homme contre l’histoire.

« Mon propos est très précisément le suivant : quelque espoir que nous gardions et que nous soyons tenus de garder jusqu’au bout, il n’en est pas moins vrai, indiscutablement vrai, que nous avons devant nous la possibilité d’une catastrophe qui risque d’entraîner la disparition de tout ce que donne à la vie sa valeur et sa justification. Le fait que cette possibilité soit devant nous constitue à lui seul une donnée qui est assurément  de nature à susciter, je dirais même à imposer, le plus tragique des examens de conscience. »

« L’occident a créé une société semblable à la machine. Il oblige les hommes à vivre au sein de cette société et à s’adapter aux lois de la machine. »

« La vérité est qu’un petit nombre de fanatiques dépourvus de tous scrupules, lorsqu’il a à faire à une masse humaine amorphe, déprimée par la misère, rongée par les divisions intestines, etc., a dans le monde d’aujourd’hui de très grandes chances, à la faveur de la propagande et de la terreur, d’exercer la puissance magnétique dont nous avons pu discerner depuis trente ans les conséquences effroyables. »

« L’église est une institution humano-divine, mais sous son aspect humain, trop humain, dans la mesure où elle risque toujours de succomber aux tentations nées de l’orgueil, qu’elle peut donner lieu à ces aberrations. »

« Car il faut maintenir comme un véritable axiome que la loi et l’égalité devant la loi sont corrélatives et qu’on peut s’attaquer à l’une sans supprimer l’autre. Mais à partir du moment où intervient le culte de l’histoire, du dynamisme historique, etc., ces notions-là s’effondrent et, avec elles, tout ce qui peut être désigné sous le terme de civilisation. »

« Cette liberté que nous avons à défendre in extremis, ce n’est pas une liberté prométhéenne, ce n’est pas la liberté d’un être qui serait ou qui prétendrait être par soi. Je ne me suis pas lassé de le répéter depuis des années, la liberté n’est rien, elle s’annihile elle-même dans ce qu’elle croit son triomphe si, dans un esprit d’humilité absolue, elle ne reconnaît qu’elle est articulée par la grâce, je ne prends pas ce mot dans je ne sais quelle acception abstraite et laïcisée, il s’agit bien de la grâce du Dieu vivant, de ce Dieu, hélas ! que chaque jour nous apporte tant d’occasions de renier et que soufflette le fanatisme, là même, là surtout où ce fanatisme, loin de le nier, prétend s’autoriser de lui."

La machine se substitue à Dieu, le refus de la grâce c’est la négation de la liberté. Le fanatisme et la machine sont les fossoyeurs de Dieu parmi les hommes.

Réintégration de l’honneur.

« Si le peuple d’Espagne est si respecté et si admiré par ceux qui ont eu l’occasion de prendre contact avec lui, ne serait-ce pas justement parce que ce peuple essentiellement pauvre a gardé cette qualité native et la fierté qui s’y attache. »

« On pourrait inférer de là que l’honneur est toujours lié à un sens profond et comme indéracinable de l’être, car entre l’être et la parole, ainsi que l’ont vu HEIDEGGER en Allemagne et, en France, un penseur profond mais peu connu Brice PARAIN, il existe une infrangible unité. »

« L’honneur est vraiment lié ici à la gratitude mot admirable et dont il me semble qu’on a rarement pénétré le sens profond. » 

« Mais ce sont justement ces rapports (hospitalité, accueil…) qui tendent à disparaître dans un monde où les individus réduits à des éléments abstraits sont de plus en plus juxtaposés, où les seules hiérarchies qui subsistent sont fondées soit sur l’argent, soit sur les diplômes dont la signification humaine est pratiquement nulle. L’honneur dans tous les cas apparaît lié à une certaine simplicité grandiose des rapports humains fondamentaux. »

Nous avons en Occident particulièrement oublié ce qu’est l’humanité malgré le fait de s’en prétendre les représentants. L’être est identifié à ses diplômes, sa richesse, sa beauté…mais non sur l’échange, la gratitude, l’hospitalité. L’honneur est lié à la gratitude. Le héro n’est pas superman, Zorro…mais la mère et le père de famille qui s’acquitte de sa mission sa vie entière.

Conclusion.

« Aujourd’hui son premier et peut-être unique devoir (le philosophe) est de se faire le défenseur de l’homme contre lui-même, contre cette extraordinaire tentation de l’inhumain à laquelle presque toujours sans s’en douter tant d’êtres aujourd’hui succombent. »

« Les êtres ne peuvent être effectivement reliés les unes aux autres que parce que dans l’autre dimension ils sont reliés à quelque chose qui les dépasse et qui les comprend en soi. »

« L’acte de penser, et ceci toute l’histoire de la philosophie le démontre, comporte une tentation, celle du détachement, de l’INSULARISATION de soi. »

« Il n’est de profondeur authentique que là où une communion peut être effectivement réalisée ; elle ne le sera jamais ni entre les individus centrés sur eux-mêmes, et par conséquent sclérosés, ni au sein de la masse, de l’état de masse. »

« Notre secret existentiel, c’est de découvrir quelle est cette sphère, si réduite soit-elle, où notre action propre peut s’articuler à une cause universelle qui est celle de l’Esprit de vérité et d’amour dans le monde. »

« Le philosophe ne peut contribuer à sauver l’homme de lui-même qu’en dénonçant impitoyablement et sans relâche les ravages causés par l’esprit d’abstraction. »

Nous avons créé l’inhumain, nous pouvons le constater chaque jour aux informations. Plus de respect, d’écoute, d’échange, des comportements extrêmes dans tous les domaines. Mais qui a inventé le téléphone portable, les consoles de jeux, la télévision, internet….Qui a ouvert la boîte de Pandore, qui a invité le diable ?

hhkGabriel Marcel

 

10 octobre 2022

"Les égarés" Frédérick TRISTAN

22530949052Goncourt 1983

 

Voilà un grand roman, méconnu du grand public à tort. C’est une œuvre riche, prenante, romanesque à souhait, qui met en lumière des références aujourd’hui oubliées, liées à l’hermétisme, l’occultisme en vogue fin XIXème début XXème siècle.

Ainsi, un écrivain de talent mais pas encore connu choisit à l’occasion d’une rencontre peut-être fortuite de confier à un jeune homme beau, intelligent, son manuscrit.

Ce dernier obtiendra sa publication et se fera passer pour l’écrivain. Ce jeune homme Jonathan ABSALON VARLET au surnom de CHESTERFIELD devient une écrivain célèbre aux yeux du monde tandis que Cyril PUMPERMAKER choisit de rester dans l’ombre, ils sont tous les deux d’accord et s’embarquent dans une aventure extraordinaire.

« VARLET n’était pas d’une beauté remarquable mais il portait sur lui je ne sais quelle grâce qui, accordée à la voltige de ses paroles, de ses mains et de la lumière bleue de ses yeux, le rendait proprement irrésistible. »

« Je n’aurai pu écrire sans le truchement de CHESTERFIELD, vraisemblablement par le fait que mon patronyme était un bâillon alors que mon pseudonyme m’est un masque. Le premier m’étouffait, me contraignait au mutisme, à l’impuissance ; l’autre me cache et, me cachant, il me libère. »

CHESTERFIELD est un idéaliste, un Arsène Lupin qui montre pour ne pas montrer

Avant la seconde guerre CHESTEFIELD voit les évènements. « L’Europe est paralysée par des démocraties, hormis l’Italie qui prépare le tragedia dell’arte ! Mais l’Angleterre, la France, les Pays Bas, l’Espagne, tout ce monde ronronne. On se croit encore après la guerre. Or c’est avant la guerre que nous sommes ! »

« C’est alors que me revint à la mémoire la lettre de Lord AMBERGRIS sur CAIN et sur ABEL. « CAIN qui construit de main d’homme la civilisation, ABEL qui élève avec son rang et son sacrifice. D’un côté la construction, de l’autre la croissance. » L’homme était-il condamné à ne construire que des Babels ou à s’offrir en martyr ? »

Croyez-moi, l’amitié n’est qu’un leurre, une sorte de bassin tiède où tremper les pieds. Seul l’amour, lui seul, serait digne d’arracher les écluses, de rejeter d’un coup toute l’eau des sources vers la mer ! Tout le reste n’est que confort, alibi, spéculation, navrant exercice de besogneux. »

« L’éclair traverse la nue, l’homme frappé de plein fouet s’écroule, il choit du cheval, entendez qu’il choir de tout le haut de ses certitudes. Quelle chute ! Avec Paul c’est tout l’Occident qui s’est retrouvé sur le sol ! »

PUPERMAKER écrit son deuxième roman sur Jakob BOEHME, ce cordonnier théosophe aux visions hermétiques qui voyage au cœur de la création, le cœur de Dieu.

« En fait, ce que je devinais chez BOEHME était cette formidable vision cosmique qui brisait le carcan des dogmes étroits et des Eglises constituées. Mon petit personnage de SOMERSET changé en JACOB allait incarner la naïve pureté face aux raisonneurs. »

« Toute organisation est contraire à l’esprit. Peu importent les institutions, mêmes si elles sont nécessaires à quelque niveau. Seul le temple intérieur réunit les vrais fidèles. »

Jakob BOEHME parle de l’église de pierre qu’il oppose à l’Eglise de Pierre, dis-je rapidement. D’un côté la pétrification, de l’autre la résurrection. »

Je l’ai dit (Pupermaker) : je n’avais aucune base chrétienne solide, mais  il me paraissait évident que le Veau d’or pouvait être le Christ dans la mesure où son adoration faisait stagner l’esprit. »

« Mon œuvre était lue, admirée, respectée. Ma fortune était assurée. Qu’importait mon anonymat ? N’avait-il pas, au contraire, l’avantage de ma laisser en repos tandis que mon double s’époumonait à travers le monde ? Sans l’avoir voulu, n’avais-je pas découvert la solution idéale à tout écrivain ? Je ma réconfortais à cette pensée et commençais de plaindre VARLET et ses manigances. »

Jonathan s’occupe du monde mais son mentor le Lord lui avait enseigné beaucoup de choses.

« Quant à Jakob BOEHME, savez-vous que la traduction de ses œuvres par SPARROW et LAW était l’une des lectures favorites de mon lord ? Il voyait dans le cordonnier de GORLITZ le pont entre la Kabbale juive et l’alchimie grecque et arabe, le précurseur de toute la pensée herméneusienne occidentale. »

Chacun effectuera un chemin initiatique qui aboutira à des mutations internes majeures. L’histoire est dense, philosophique. Pour vivre heureux faut-il vivre caché ? L’argent fait-il le bonheur ? Comment l’utiliser ? Qu’apportent vraiment la gloire et la notoriété ? Y-a-t-il vraiment deux hommes ? Pour arriver au pouvoir, à la gloire, il faut parler, séduire, duper au mépris de la profondeur des choses. Ambiguïté des sentiments, des situations, finalement qu’aurions-nous voulu être CHESTERFIELD ou PUPERMAKER ?

« Toute l’aventure humaine est tragique, n’est-ce pas, puisque son bonheur lui est compté. »

« Après tout Jonathan ? Vous êtes l’une de mes créatures vous aussi. Lorsque vous m’êtes apparu dans ce petit bar à côté de la gare WATERLOO et ensuite au ROSEMULLION hôtel, c’est de mon imagination que vous sortiez, mon cher ami. Il m’arrive d’ailleurs souvent de penser que tous les gens que je rencontre sont des personnages que je suscite et qui n’ont de vérité que par moi. »

« C’est pourquoi à la croyance, je préfère la foi, c’est-à-dire la fidélité. Mais pour être fidèle, il faut croire ! m’exclamai-je. Il suffit d’espérer, fit-il simplement. »

« Nous devenons vite égoïste lorsque l’accumulation des misères chez les autres risques de nous rendre solidaire de leur destin. »

« Nous acceptons de compatir mais nous refusons de participer. Chacun est seul face à sa souffrance parce que nous ne pourrions pas supporter celle des autres. Voilà ce que je pensais alors. Et pourtant j’avais écrit Le Roi des Singes ou SOUEN prend sur ses épaules le malheur de sa tribu. Mais comme il y a loin du héros à l’écrivain ! C’est parce qu’il construit des chevaliers, parce qu’il a peur des femmes qu’il invente des DON JUAN. »

« L’Occident ne connaît guère deux thèmes celui de FAUST ou de DONJUAN qui sont les antidotes de Saint Antoine, avec comme variantes Don Quichotte et Hamlet. »

« Un déterminisme vague et mou s’est abattu sur nos pensées, mais contrairement à ce que pensait CALVIN nous ne sommes plus déterminés pour le salut mais pour l’absurde, qui est la forme moderne de la damnation. »

« Nous sommes des fétus que le torrent emporte mais restera notre regard, même lorsque nos yeux se seront fermés. Le regard de l’homme sur le monde, Jonathan, c’est cela qui n’est pas absurde, le monde serait-il cent fois plus insensé. C’est un mélange de tristesse et de révolte, de peur et de courage, de lucidité et de folie, mais c’est le seul regard dans tout l’univers qui n’accepte pas sa mort. Il sait que la terre se refroidira, que les étoiles tomberont, que le soleil et qu’il n’est rien de durable, mais il affirme qu’il ailleurs une autre durée, une autre terre, d’autres étoiles, un autre soleil qui, eux, sont éternels. C’est ce regard naïf et prodigieux de l’homme qui ordonne le chaos, l’ensemence, l’engrosse et le fait accoucher de l’esprit, rare oiseau de fau tout grelottant de froid dans le cachot où nos contemporains le dédaignent, les malheureux ! Sans ce regard, l’homme se fait esclave de la mort. Sans ce regard, notre temps est condamné à périr. »

« Curieuse civilisation qui refuse l’idée de Dieu avec hauteur mais s’adonne aisément au diable ! »

« Toutefois, ainsi que Jonathan l’avait bien compris, ce n’est pas seulement le fascisme qui cache son mufle hideux derrière le masque, mais aussi bien le communisme. »

« Reste CHESTERFIELD, Gilbert KEITH CHESTERFIELD, né de mes rêves d‘adolescent et qui s’incarne si curieusement dans ce siècle bouleversé. »

Nous sommes saturés de significations, et nous avons perdu le sens. Apprenons modestement à perdre ces significations multiples qui nous étouffent et nous recouvrerons le sens, c’est-à-dire le à quoi ça sert. A quoi sert l’homme ? A quoi sert le monde ? C’est la seule question qui soit digne d’être posée. En effet, l’homme n’est peut-être pas fait pour le bonheur, mais il importe que, de toute son courage, il affirme son refus de l’absurde, sa croyance en un destin. »

Jonathan « L’humanité s’universalise. Toutefois on le voit bien plus elle s’universalisera, plus elle se fragmentera. Le projet d’une unité mondiale telle que nos parents pouvaient en rêver est non seulement irréalisable mais absurde ! Trop de disparités dans les économies, les mœurs , les idéologies. »

« C’est dans l’exil que s’édifie le temple. Dieu ne se révèle qu’au désert. »

« Tout court à l’abîme. Jamais la nuit ne fut aussi noire et nous qui sommes plongés dans cette nuit, nous savons qu’elle sera beaucoup plus noire encore. Nous n’en sommes qu’aux heures du vendredi saint. »

« L’homme moderne est tragique parce qu’il a perdu son langage. Sa parole n’est plus qu’un pouvoir creux sur des objets dévalués. L’accumulation des significations est le signe de la perte. »

« La virginité est précieuse mais elle doit enfanter sinon elle est comme une terre frappée de stérilité. Ce sont deux vers de SILESIUS et c’est justement cela que BOEHME a confié à la philosophie occidentale et qu’elle n’a pas entendu. »

« Qu’est-ce que le pur et l’impur dans une époque qui ne connaît que le mélange ? »

« Nous cautionnons l’usurpation et le crime, et cela par faiblesse ! Nous engraissons la Bête ! Demain, Hitler, armé, botté et casqué, annexera l’Autriche, comme il l’a promis car il l’a promis ! Puis ce sera le tour de la Tchécoslovaquie et pourquoi pas ? de la Pologne. Le pangermanisme savez-vous ce que c’est ? L’ombre du poulpe qui se projette sur le monde tandis qu’il fascine les consciences, les endort avant de les corrompre ! Que pouvais-je faire de plus que d’avertir les gouvernements, les journaux, l’opinion ? On m’a ri au nez, et maintenant que l’on commence à avoir peur, on recherche des victimes expiatoires. »

« La renommée d’un homme est le miroir de ceux qui l’admirent. »

B9730146017ZFrédérick TRISTAN

2 août 2022

"L'étranger" Albert CAMUS

6541048_13952361

 

L’étranger est un roman envoûtant, le premier roman du cycle absurde de CAMUS. L’histoire se situe en Algérie, histoire d’un homme ordinaire mais également insaisissable. Il rencontre des gens qui l’entrainent dans des évènements qu’ils ne maîtrisent pas. Doté d’une impassibilité, voire d’une indifférence totale, il apparaît déshumanisé. L’étranger c’est un peu un GODARD. C’est une tranche de vie qui débute l’obsession de l’absurde chez CAMUS, qu’il théorisera dans le mythe de Sisyphe. C’est le premier roman de CAMUS, c’est le début du cycle de l’absurde, qui sera suivi de la révolte et de l’amour.

MEURSAULT enterre sa mère, puis le lendemain il va dans un établissement de bains où il rencontre Marie qui avait travaillé avec lui, ils sortent ensemble et passe la nuit tous les deux.

Il rend service à un ami proxénète Raymond qui avait battu une prostituée dont le frère sera tué par MEURSAULT qui l’invitera avec Marie au bord de la mère pour déjeuner.

Pour MEURSAULT  rien n’a d’importance pas plus la demande en mariage de Marie, que les menaces du frère de la prostituée et que la mort de sa mère.

Pourtant il découvre que Raymond est armé et il lui demande de lui confier son arme pour éviter une bêtise ! Plus tard en se promenant avant midi sous un soleil de plomb MEURSAULT croisera le frère de la prostituée, et le voyant sortir un couteau il sort le pistolet de Raymond et tire. Sans raison, il tire 4 balles dans le corps de la victime.

« J'ai pensé que je n'avais qu'un demi-tour à faire et ce serait fini. Mais toute une plage vibrante de soleil se pressait derrière moi. J'ai fait quelques pas vers la source. L'Arabe n'a pas bougé. Malgré tout, il était encore assez loin. Peut-être à cause des ombres sur son visage, il avait l'air de rire. J'ai attendu. La brûlure du soleil gagnait mes joues et j'ai senti des gouttes de sueur s'amasser dans mes sourcils. C'était le même soleil que le jour où j'avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. À cause de cette brûlure que je ne pouvais plus supporter, j'ai fait un mouvement en avant. Je savais que c'était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d'un pas. Mais j'ai fait un pas, un seul pas en avant. Et cette fois, sans se soulever, l'Arabe a tiré son couteau qu'il m'a présenté dans le soleil. La lumière a giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante qui m'atteignait au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes sourcils a coulé d'un coup sur les paupières et les a recouvertes d'un voile tiède et épais. Mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et de sel. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. C'est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m'a semblé que le ciel s'ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s'est tendu et j'ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la crosse et c'est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé. J'ai secoué la sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. Alors, j'ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût. Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur. »

L’enterrement de sa mère, son chef, son voisin, son amie Marie, tout un univers qui se déroule de façon monocorde. Il fait très chaud, le soleil influe sur les hommes et en particulier sur MEURSAULT. N’était-il pas déjà mort ? MEURSAULT dit la vérité, toujours, pas de faux semblant, il ne semble ni aimer, ni haïr, il semble dépourvu de sentiment. Il symbolise une vie sans but, peuplée d’évènements dont nous ne sommes pas les maîtres et qui se termine par notre mort. Il sera guillotiné après avoir refusé les derniers sacrements.

« CAMUS dira de MEURSAULT que c’est le Christ que nous méritons, c’est en un sens le bouc émissaire de la bien pensance et MEURSAULT dira à la fin personne n’a le droit de pleurer sur maman précisément d’abord parce que c’est son affaire et aussi surtout parce que ce qui disent les larmes ce n’est pas tant la tristesse qu’une tristesse spectaculaire, une tristesse soluble dans le spectacle de ses propres manifestations, quelqu’un de triste qui regarde ses yeux éplorés dans le miroir un peu comme Albertine dans la recherche du temps perdu, une tristesse qui se donne en spectacle. »

CAMUS raconte une histoire, contrairement au mythe de Sisyphe et à l’homme révolté qui s’apparentent à des essais philosophiques. Il y a l’étranger roman de l’absurde et le premier homme roman autobiographique qui symbolise l’amour. Nous pouvons apercevoir une similitude avec le Rouge et le Noir de STENDHAL. L’absurde chez CAMUS c’est la non compréhension de la vie, rien n’a de sens. L’étranger est le roman de l’absurde.

L’incipit est frappant, MEURSAULT déjà tel un homme hors du monde, sans réaction visible, nous annonce que sa mère est morte. « Aujourd’hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile « mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués » cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. L’asile de vieillard est à MARENGO, à quatre-vingts kilomètres d’ALGER je prendrai l’autobus à 2 heures et j’arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congés à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit : « Ce n’est pas de ma faute. » Il n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.

C’est le début et nous commençons par une fin et nous finirons par la mort de MEURSAULT. Nous sortons du roman comme si nous avions égrenés des situations et des faits divers nous ayant laissé sans réaction. CAMUS a su décrire des situations dramatiques, des actes graves, sans que le lecteur soit ému, le lecteur est anesthésié, ce n’est qu’après qu’il commencera à percevoir toute la force du roman.

« L’étranger d’Albert CAMUS ce chef-d’œuvre concis raconte la méchanceté du quotidien, la douleur de vieillir, l’ambivalence du soleil, le refus du mensonge, la folie des hommes qui sacrifient à l’étal de leurs certitudes celui qui, parce qu’il ne sait pas mentir et parce que l’amour est en lui mêlé à l’indifférence ne leur ressemble pas. »

« JANKELEVITCH désigne c’est l’innocence, l’homme de l’immédiat c’est l’homme qui n’interpose pas entre le monde et lui de sorte que l’innocence n’est pas une vertu, c’est plus que ça l’innocence c’est la candeur, c’est l’aptitude à sentir le monde ; c’est vraiment l’ouverture au monde c’est ce que NIETZCHE désigne comme immoralisme c’est-à-dire comme absence de morale, l’immoralisme Nietzschéen est un amoralisme, l’innocence de MEURSAULT c’est celle-là, l’innocence de l’homme à l’état de nature chez ROUSSEAU dont on a voulu penser qu’il est bon et que c’est la société qui le corrompt. Certes la société cous corrompt, mais ce que nous perdons n’est pas tant une bonté native qu’une innocence native, l’innocence est le Gilles de WATEAU c’est celui dont le regard ne semble rien exprimer, l’innocent c’est le Christ de Piero DE LA FRANCESCA dont CAMUS parle dans Noce « Au sortir du tombeau le Christ ressuscitant de Piero DE LA FRANCESCA n’a pas un regard d’homme, rien d’heureux n’est peint sur son visage mais seulement une grandeur farouche et sans âme que je ne puis m’empêcher de prendre pour une résolution à vivre car le sage comme l’idiot exprime peu », l’innocent c’est l’idiot et pas l’imbécile.      

C’est l’idiot au sens de DOSTOVIESKY et au sens grec c’est la simplicité »

CAMUS dans son trajet a commencé par l’amour ce serait donc plutôt amour absurde révolte amour, l’amour entoure tout d’où la tendre indifférence du monde sur laquelle l’étranger s’achève.  

201Albert CAMUS

 

7 juin 2022

"Une maison à Bogota" Santiago GAMBOA

 

 

img20220605_20345821

 

Une impression de biographie qui n’en n’est pas une.

« Chaque histoire familiale est celle d’un groupe humain et de son patrimoine. Certaines sont des romans d’amour, d’autres d’aventures, mais la mienne, on l’a vu, fut et reste, par le fruit d’un pur hasard, un roman de terreur. »

C’est bien écrit, beaucoup de références littéraires, la littérature est constamment présente, la place du livre primordiale. Notons des passages liés au sexe, décrit très crument peut-être pour coller à une réalité. 

« Les quartiers pauvres de Bogota, que j’aperçois depuis ma mansarde, sont un enfer : les chaudrons bouillonnants de figures torturées des tableaux de Jérôme BOSCH. La souffrance de ces jeunes doit être atroce, au-delà de la pauvreté : délinquants accros, violents, sans futur, violés dans l’enfance, tabassés par des pères alcooliques ou drogués, qui ont grandi dans la rue et vu des hommes sodomiser leur mère et les cogner, vu leur mère en sang et en larmes pendant qu’on les violait eux. Ils se retrouvent dans la rue armés de couteaux, avec de la colle à inhaler et une pipe à crack dans la poche. Ils ont la haine, évidemment, quelque chose dans les tripes qui leur fait déglutir de la salive acide. Quand on a souffert si longtemps, la tranquillité et y compris la « normalité » des autres sont ressenties comme une agression, c’est un miroir de feu qui nous brûle, même moi je le sais. Ces jeunes-là m’inspirent de la compassion, mais je ne peux pas les sauver. Les femmes ne cessent de faire des enfants, c’est pour cela que les collines continuent de se peupler de sombres gamins, chair à crack, de fillettes qui forniquent à douze ans et accouchent à treize de leur premier enfant. »

Une tante diplomate élève son neveu qui a perdu ses deux parents. « Ma tante qui avait toujours été une fervente révolutionnaire, était heureuse de revenir au Mexique, un pays, selon elle qui aime et protège véritablement ses artistes, « et cela parce qu’il a accompli une révolution, la première du XXème siècle, qui malgré son ravalement institutionnel, a créé un nouveau type de société, si différente de la nôtre qui reste féodale, affirmait-elle, catholique et obscurantiste, comme ces sombres œuvres théâtrales du pauvre LORCA, qui a bien fait de ne pas venir se réfugier en Colombie où il aurait été, là aussi, fusillé à coup sûr. »

Devenu adulte, écrivain, il reçoit un prix qui lui permet d’acheter la maison de ses rêves à Bogota. Cette maison atypique sera la clé de voûte du roman, ses pièces nourriront des réflexions, des souvenirs. « Les trois pièces contiguës au fond du couloir et une immense salle de bains étaient la solution idéale pour ma tante. Elle aimait les pièces avec une grande fenêtre, mais n’ouvrant pas sur la rue (« sur la grossièreté de la rue », disait-elle), et celle-là justement donnait sur le deuxième patio et les toits des maisons voisines. »

Un roman avec un zest de psychologie, de philosophie, un regard sur la Colombie, les colombiens, et Bogota. Une lecture avec des bosses, parfois gênante, parfois passionnante.

« Les mêmes qui aujourd’hui critiquent avec virulence le faible niveau intellectuel des jeunes, qui soi-disant ne lisent pas, ne s’intéressent à rien et ne peuvent se concentrer plus de cinq minutes, affirment que la postérité se chargera de faire le tri dans les œuvres du présent. Mais comment fera-t-elle ce tri si elle est habitée par ces jeunes qui ne s’intéressent à rien et ne peuvent lire que quelques pages ? »

« Quelque chose de Bogota m’angoisse, me perturbe, comme si j’avais négligé une obligation importante et qu’il était trop tard pour y remédier. »

« Quito, une jolie ville en haut des montagnes, mais une pauvreté, des inégalités et surtout un racisme effarant, au fond rien de très différent de ce qu’on peut voir dans le pays des andins, mais avec des gens affables, loin de la grossièreté et de la violence des colombiens qui au deuxième mot de désaccord t’insultent et au troisième sortent le pistolet ou la machette, s’ils en ont une sous la main. »

En dehors de Gabriel Garcia MARQUEZ qui joue un petit rôle dans ce roman, J’ai découvert par ailleurs des écrivains sud-américains : Carlos Macia FUENTES, Porfirio BARBA-JACOB, Nicolas Gomez DAVILA , Sergio PITOL.

« J’ai hérité de ma tante l’idée que, si un auteur m’intéresse, je dois lire absolument tout ce qu’il a écrit. « Tu sais il est rare de rencontrer des esprits remarquables dans ce monde, disait-elle. Alors ? Si jamais tu en trouves un, tu dois absorber son œuvre jusqu’à la dernière goutte de son œuvre. C’est pour cela que les écrivains écrivent, pour être absorbés par leurs lecteurs. »

« Se voir, regarder sa propre vie depuis la fenêtre d’en face : c’est peut-être à cela que servent les livres, à cela que sert l’art. Pour nous regarder depuis un endroit éloigné. »

téléchargerSantiago GAMBOA

 

 

Publicité
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 > >>
Visiteurs
Depuis la création 167 746
Publicité
Publicité