Préface
« Le mal est un mystère, il n’est rien qui se laisse assimiler à un défaut ou même à une défectuosité. Sur ce point, je serais tenté de dire grosso modo que ce sont les gnostiques qui ont raison, de Jacob BOEHME à SCHELLING et à BERDIAEV, et non point du tout les philosophes ratiocinant, égarés ici encore par l’esprit d’abstraction. »
(De façon très générale, la gnose est une doctrine philosophico-religieuse selon laquelle le salut de l’âme passe par une connaissance (expérience ou révélation) directe de la divinité, et donc par une connaissance de soi). Ratiocinant (raisonner de façon subtile et trop abstraite, se perdre en considérations interminables, ergoter sur des détails).
« Ne cherchons pas à nous persuader qu’une éducation des masses est possible. »
BOEHME nous dit que l’âme est indestructible et qu’elle a le choix qu’entre enfer et paradis. Ce libre arbitre pérennise le mal et l’enferme ad vitam aeternam.
Qu’est-ce qu’un homme libre ?
« Tout ce qu’on peut dire, c’est que, dans un pays qui reconnaît ce qu’on appelle d’une façon très générale les droits de la personne humaine, un certain nombre de garantie subsistent ; mais il faut ajouter aussitôt que ces garanties sont de moins en moins nombreuses, et qu’à moins d’un renversement actuellement bien improbable du cours des choses, elles sont appelées à se réduire de plus en plus. »
« Nous avons à proclamer que nous n’appartenons pas entièrement à ce monde des choses auquel on entend nous assimiler, dans lequel on s’évertue à nous incarcérer. »
La consommation et sur consommation nous enferme et restreint nos libertés avec notre consentement, sous influence également. Les nouvelles technologies facilitatrices sont la fin de nos libertés aussi bien externes qu’interne.
Les libertés perdues
« Il vient un moment où la sensibilité surmenée cesse de réagir. »
« Nous ne savons que trop malheureusement combien la pensée se raréfie, là où en fait les responsabilités sont les plus lourdes : peut-être n’est-ce pas là une fatalité inhérente à la démocratie prise en elle-même (ces mots d’ailleurs ont-ils un sens ?) ; mais c’est au moins une déficience de fait dont la France en particulier souffre depuis de longues années. »
Gabriel MARCEL écrit ce livre en 1951 et il perçoit déjà en profondeur nos maux.
Les techniques d’avilissement
« On ne le dire jamais trop fortement, la crise que traverse aujourd’hui l’homme occidental est une crise métaphysique ; il n’y a probablement pas de pire illusion que celle qui consiste à s’imaginer que tel ou tel aménagement social ou institutionnel pourrait suffire à apaiser une inquiétude qui vient du tréfonds même de l’être. »
Nous constatons que c’est bien plus que des problèmes d’identité que nous rencontrons mais une crise existentiel sans précédent que nous avons créé.
« L’histoire c’est ce général brillamment chamarré, légèrement impotent, qui passe en revue des troupes en grande tenue de service sur le champ de manœuvre, dans quelque ville de garnison. »
« Comme le dit très profondément BERGSON tout progrès technique devrait être équilibré par une sorte de conquête intérieure, orientée vers une maîtrise toujours plus grande de soi. »
Nous sommes vraiment inscrit dans la pensée de RABELAIS « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Nous vivons quasi pleinement le sans conscience !
« Dans le monde d’aujourd’hui, on peut dire qu’un être perd d’autant plus conscience de sa réalité intime et profonde qu’il est plus dépendant de toutes les mécaniques dont le fonctionnement lui assure une vie matérielle tolérable. »
« C’est que la technique se présente de plus en plus à des êtres, chez qui toute vie intérieure est trop souvent aveuglée, comme le moyen infaillible de réaliser un confort généralisé hors duquel ils ne peuvent concevoir le bonheur. »
Voilà le diagnostic le plus éclairé qui soit, plus de vie intérieure ou si peu, le bonheur confondu avec le matérialisme. Peu échappe à cette mécanique infernale.
« Il me paraît à peu près certain qu’une sagesse authentique comporte des références à une réalité qui échappe par exemple au dilemme institué par SARTRE entre un être en soi, qui correspond à ce qu’on a toujours appelé la matière, et un être pour soi, qui n’en est en fait que l’effondrement interne. »
« Mais ce qui doit surtout nous frapper dans ce que j’ai appelé l’émancipation technique, c’est le fait que ce qui est appelé émancipation technique, c’est le fait que ce qui est au départ un ensemble de moyens au service d’une fin tend à être apprécié et cultivé pour soi-même, et par conséquent à devenir centre ou foyer d’obsession. »
Un foyer d’obsession c’est exactement ce que sont devenus consoles de jeux, téléphones portables, télévisions…
« Je suis d’ailleurs bien loin de soutenir qu’il y ait là une dégradation fatale. Mais ce qu’on peut dire, c’est qu’il est de moins en moins probable, dans un monde livré aux techniques, que l’individu trouve en lui le pouvoir de se libérer d’un ensemble de contraintes qui se présentent dans bien des cas comme des séductions : ceci est rigoureusement vrai, non seulement de la propagande, mais de toutes ses annexes publicitaires et pseudo-artistiques. Ce n’est pas tout, parce que dans un semblable le domaine propre de la vérité est de plus en plus désaffecté et déserté, il est tout à fait naturel, nous l’avons vu, que l’imposture tende à proliférer comme une végétation parasite, à la faveur des moyens techniques dont disposent aujourd’hui tous les charlatans pour imposer leur orviétan aux badauds. Il y aurait d’ailleurs bien d’autres points sur lesquels il serait nécessaire d’insister ici. Je songe en particulier au prodigieux avilissement de la discussion, des bases mêmes de la discussion, dont chaque jour nous apporte les plus désolants témoignages. Pour exécuter l’adversaire, ou pour le mettre Knock out, il suffit de lui accoler une étiquette, et aussi de lui jeter à la figure ; comme on vide un flacon de vitriol, une accusation massive à laquelle il lui est impossible de répondre ; l’autre étant désarçonné, on déclarera qu’il avoue et capitule. C’est ainsi que dans certains milieux, il sera impossible de porter un jugement nuancé sur certains personnages contemporains et sur leurs intentions initiales sans être automatiquement classé parmi ceux qui approuvent les méthodes de BUCHENWALD et d’AUSCHWITZ. »
C’est exactement ce que l’on constate sur nos médias, et ailleurs, plus de discussion mais des ostracisations avec par exemple l’appellation extrême droite qui condamne l’opinion de l’autre que l’on ne veut pas entendre, et par là même l’emploi de cette méthode est en fait un acte extrémiste.
« On juge souvent les autres d’après soi-même. »
« De toutes façons, celui qui est livré à l’imposture est peu à peu contaminé par elle au point d’en venir presque fatalement à y participer dans la sphère qui lui est propre. »
Technique et péché
« Il faut déclarer que l’étatisation de la science et de le technique est sans aucun doute une des pires calamités de notre temps. »
« Déjà nous pouvons apercevoir que si l’homme peut devenir esclave de ses habitudes il doit pouvoir également se rendre prisonnier de ses techniques. »
« Le développement ou l’invasions de la technique ne peut pas ne pas entraîner pour l’homme l’oblitération, l’effacement progressif de ce monde du mystère qui est à la fois celui de l’espérance ; il ne suffit pas de dire en effet que dans ce registre le désir et la crainte se trouvent portés au-delà de toute limite assignable, mais que la nature humaine tend à devenir de plus en plus incapable de s’élever au-dessus de l’un et de l’autre, et d’atteindre dans la prière ou dans la contemplation un sphère transcendante aux vicissitudes terrestres. »
« Dans le prolongement des remarques qui précèdent, on serait amené à penser que le développement outrancier de la technique tend à se superposer à la vie, et en un certain sens à lui substituer une superstructure presque entièrement factice, mais qui devient en fait pour les hommes le milieu dont ils ne semblent plus pouvoir se passer. »
« Cette même désaffection pour la réalité vivante est certainement une des causes profondes de la dénatalité que l’on constate dans beaucoup de pays de civilisation dite avancée. »
« Nous avons réussi à créé des vies parallèles hors de la réalité, hors de l’humanité, des vies qui se pensent réelles. Plus d’élévation, d’introspection, de morale, de limites…
Le philosophe devant le monde d’aujourd’hui
« Le philosophe du XIXème siècle s’est réduit dans la très grande majorité des cas au professeur de philosophie, et cela au scandale des esprits les plus lucides et les plus libres de leur temps, un SCHOPENHAUER ou un NIETZCHE, par exemple. »
« Dès le moment où le philosophe consent à être pris en charge par une publicité, par des imprésarios, il se nie comme philosophe. »
« Il suit de tout cela que la situation du philosophe en présence du monde d’aujourd’hui apparaît bien comme la plus dangereuse et la plus exposée qui soit. Je ne veux pas dire seulement qu’il peut s’attendre à avoir à expier son audace au fond de quelque geôle soviétique ou autre. Le danger est aussi et peut-être avant tout intérieur. C’est pour le philosophe une tentation difficilement surmontable de fuir, je ne dirai pas dans la science, car celle-ci, là où elle est pratiquée dans sa vérité garde toute sa valeur, toute sa dignité, mais dans une science prétendue, telle que la psychanalyse, par exemple, là où celle-ci s’émancipe et prétend devenir les clés de la réalité spirituelle. »
« J’ai dit dans mes Gifford lectures (le mystère de l’être), que nous vivons dans un monde qui semble bâti sur le refus de réfléchir. Il appartient au philosophe, et peut-être à lui seul, de s’attaquer à cette confusion-là sans présomption, certes, sans illusion, mais avec le sentiment qu’il y a là un devoir imprescriptible et qu’il ne peut s’y soustraire sans trahir son authentique mission. »
« La réaction a remplacé la réflexion de fonds et hélas certains philosophes tombent dans ce piège fatal, et ceux qui les écoutent finissent par être également contaminés.
La conscience fanatisée.
« La première remarque qui s’impose à nous, c’est que le fanatique ne peut en aucun cas s’apparaître à lui-même comme tel ; il n’est reconnu fanatique que par le non fanatique ; en sorte qu’il aura toujours la ressource en présence de cette appréciation, de cette accusation, de déclarer qu’il est incompris et calomnié. »
« La transcendance absolue n’est après tout qu’un autre aspect de ce qu’on toujours appelé l’infini, qui par définition nous dépasse de toutes manières et devant lequel nous ne pouvons que reconnaître notre néant. »
« La décision de non remise en question est ici fanatique par essence, et cette décision est à la racine de toutes les calamités que le fanatisme entraîne avec lui. »
« Comme l’ont vu de tous temps les plus grands penseurs de l’humanité, et je songe à PLATON, mais aussi à SPINOZA, il n’y a pas de justice possible là où la vérité n’est pas respectée. »
Nous sommes dans ce cas, plus de justice car la vérité n’est plus respectée. Les fanatiques de tout poil s’imposent dans toutes les couches de la société.
L’esprit d’abstraction, facteur de guerre.
« Il n’y a pas et il ne peut y avoir de fraternité dans l’abstraction. »
« Ce qui est égal, ce qui doit être posé comme égal, ce sont non point du tout les êtres, mais des droits et des devoirs que ces êtres sont tenus de se reconnaître les uns aux autres, faute de quoi c’est le chaos, c’est la tyrannie avec toutes ses affreuses conséquences la primauté du plus vil sur le plus noble. »
Notre société occidentale veut une égalité entre les êtres ce qui est une folie et nous en constatons les dégâts chaque jour. Quant aux droits et devoirs ils sont bien évidemment bafoués par les fanatiques.
La crise des valeurs dans le monde actuel.
« La plus grave erreur ou la pire déficience du scientisme a probablement consisté à ne jamais se demander ce que devient ou comment dégénère, ne disons pas la science, mais une vérité scientifique quand elle est inculquée à des êtres qui ne participent en aucune manière à l’ascèse ou à la conquête scientifique. »
« J’ai eu l’occasion de dire assez souvent ces derniers temps qu’il ne semble bien n’y avoir actuellement qu’une option possible pour l’homme : la termitière ou le corps mystique ; et le plus lourde faute qu’on puisse commettre consiste de toute évidence à les confondre. »
« L’amour lui-même n’est pas une valeur et, d’autre part, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de valeur sans amour. »
« Il y a tout lieu de penser que c’est seulement au sein de groupes très limités, de très petites communautés, que la liberté au service de la grâce peut effectivement s’exercer. »
Pratique-t-on l’épistémologie correctement ? Le refus de transcendance du plus grand nombre et de certains scientifiques, intellectuels, conduit à un monde déshumanisé. Des petits groupes peuvent combattre cet état de chose à condition d’en être conscient et de mettre l’égo de côté. Pour ma part je crois beaucoup plus aux voyages individuels, la vie est une épreuve individuelle.
Dégradation de l’idée de service et dépersonnalisation.
« Dans quelle mesure une administration est spiritualisable, mais comment sur ce point ne pas se montrer très pessimiste. »
« Et ce qu’il y a peut-être de plus tragique dans le monde qui se développe sous nos yeux à la façon d’une maladie, c’est l’apparition d’un type de réalité qui, après tout, est né de la pensée, mais qui est comme de la pensée déchue, et qui se présente comme antagonique par rapport à toutes les initiatives de l’esprit vivant. »
« Il me semble que je formulerai assez exactement ma pensée en disant que chacun de nous est tenu de multiplier le plus possible autour de lui les rapports d’être à être, et de lutter par là même aussi activement que possible contre l’espèce d’anonymat dévorant qui prolifère autour de nous à la façon d’un tissu cancéreux. »
« Mais, lorsque je pense fortement « mon frère » ou « mon prochain », je ne m’inquiète nullement de savoir si je suis ou si je ne suis pas son égal, précisément parce que mon intention n’est pas du tout crispée sur ce que je suis ou sur ce que je peux valoir. »
Les conceptions égalitaires fanatisées me font oublier mon frère et ou mon prochain, pire ne plus le voir, l’apercevoir.
Pessimisme et conscience eschatologique.
« Nous constatons précisément que les progrès de la technique, considérés in concreto, ont pour conséquence une réduction de plus en plus marquée du divers humain, un extraordinaire nivellement des sociétés, des manières de vivre. »
« L’idéologie aspire par nature à devenir propagande c’est-à-dire transmission automatiquement de formules magnétiques par une passion d’essence au fond haineuse, et qui ne prend corps qu’à condition de s’exercer contre une certaine catégorie d’humains élus comme boucs émissaires : les juifs, le chrétiens, les francs-maçons, les bourgeois, etc., tout cela suivant le cas. Rien n’est d’ailleurs plus frappant que de voir avec quelle facilité s’opère la substitution d’un bouc émissaire. »
« Il conviendrait de parler ici, une fois encore, de la tentation du nombre qui est sûrement une des plus redoutables que connaisse l’homme contemporain, ainsi que du prestige des statistiques, auquel on peut dire qu’à l’heure présente aucun corps constitué ne parvient à se soustraire, même celui dont les fins sont les plus spirituelles (qu’on songe, par exemple, aux statistiques paroissiales ou diocésaines portant sur le nombre de communions). On ne saurait le répéter, je pense avec trop de force et d’insistance, c’est uniquement à condition de se soustraire à cette fascination du nombre qu’on peut espérer demeurer dans le spirituel, c’est-à-dire dans la vérité. Mais il faut bien dire que, dans le monde où nous sommes, tout semble s’agencer de la façon la plus visible et la plus tyrannique pour nous persuader du contraire. Une éthique de mensonge est en train de s’élaborer, qui commande à l’individu de s’anéantir devant cette multitude dont il n’est qu’un élément insignifiant et éphémère. »
Le nombre éteint l’individualité ontologique. La statistique fait office de Dieu vivant de référence absolue. Les progrès techniques ont changé radicalement nos visions du monde, nos demandes voire nos exigences. Le spirituel est sous le boisseau, avalé par l’indispensabilité de la technicité qui est impensé pour l’homme ordinaire.
L’homme contre l’histoire.
« Mon propos est très précisément le suivant : quelque espoir que nous gardions et que nous soyons tenus de garder jusqu’au bout, il n’en est pas moins vrai, indiscutablement vrai, que nous avons devant nous la possibilité d’une catastrophe qui risque d’entraîner la disparition de tout ce que donne à la vie sa valeur et sa justification. Le fait que cette possibilité soit devant nous constitue à lui seul une donnée qui est assurément de nature à susciter, je dirais même à imposer, le plus tragique des examens de conscience. »
« L’occident a créé une société semblable à la machine. Il oblige les hommes à vivre au sein de cette société et à s’adapter aux lois de la machine. »
« La vérité est qu’un petit nombre de fanatiques dépourvus de tous scrupules, lorsqu’il a à faire à une masse humaine amorphe, déprimée par la misère, rongée par les divisions intestines, etc., a dans le monde d’aujourd’hui de très grandes chances, à la faveur de la propagande et de la terreur, d’exercer la puissance magnétique dont nous avons pu discerner depuis trente ans les conséquences effroyables. »
« L’église est une institution humano-divine, mais sous son aspect humain, trop humain, dans la mesure où elle risque toujours de succomber aux tentations nées de l’orgueil, qu’elle peut donner lieu à ces aberrations. »
« Car il faut maintenir comme un véritable axiome que la loi et l’égalité devant la loi sont corrélatives et qu’on peut s’attaquer à l’une sans supprimer l’autre. Mais à partir du moment où intervient le culte de l’histoire, du dynamisme historique, etc., ces notions-là s’effondrent et, avec elles, tout ce qui peut être désigné sous le terme de civilisation. »
« Cette liberté que nous avons à défendre in extremis, ce n’est pas une liberté prométhéenne, ce n’est pas la liberté d’un être qui serait ou qui prétendrait être par soi. Je ne me suis pas lassé de le répéter depuis des années, la liberté n’est rien, elle s’annihile elle-même dans ce qu’elle croit son triomphe si, dans un esprit d’humilité absolue, elle ne reconnaît qu’elle est articulée par la grâce, je ne prends pas ce mot dans je ne sais quelle acception abstraite et laïcisée, il s’agit bien de la grâce du Dieu vivant, de ce Dieu, hélas ! que chaque jour nous apporte tant d’occasions de renier et que soufflette le fanatisme, là même, là surtout où ce fanatisme, loin de le nier, prétend s’autoriser de lui."
La machine se substitue à Dieu, le refus de la grâce c’est la négation de la liberté. Le fanatisme et la machine sont les fossoyeurs de Dieu parmi les hommes.
Réintégration de l’honneur.
« Si le peuple d’Espagne est si respecté et si admiré par ceux qui ont eu l’occasion de prendre contact avec lui, ne serait-ce pas justement parce que ce peuple essentiellement pauvre a gardé cette qualité native et la fierté qui s’y attache. »
« On pourrait inférer de là que l’honneur est toujours lié à un sens profond et comme indéracinable de l’être, car entre l’être et la parole, ainsi que l’ont vu HEIDEGGER en Allemagne et, en France, un penseur profond mais peu connu Brice PARAIN, il existe une infrangible unité. »
« L’honneur est vraiment lié ici à la gratitude mot admirable et dont il me semble qu’on a rarement pénétré le sens profond. »
« Mais ce sont justement ces rapports (hospitalité, accueil…) qui tendent à disparaître dans un monde où les individus réduits à des éléments abstraits sont de plus en plus juxtaposés, où les seules hiérarchies qui subsistent sont fondées soit sur l’argent, soit sur les diplômes dont la signification humaine est pratiquement nulle. L’honneur dans tous les cas apparaît lié à une certaine simplicité grandiose des rapports humains fondamentaux. »
Nous avons en Occident particulièrement oublié ce qu’est l’humanité malgré le fait de s’en prétendre les représentants. L’être est identifié à ses diplômes, sa richesse, sa beauté…mais non sur l’échange, la gratitude, l’hospitalité. L’honneur est lié à la gratitude. Le héro n’est pas superman, Zorro…mais la mère et le père de famille qui s’acquitte de sa mission sa vie entière.
Conclusion.
« Aujourd’hui son premier et peut-être unique devoir (le philosophe) est de se faire le défenseur de l’homme contre lui-même, contre cette extraordinaire tentation de l’inhumain à laquelle presque toujours sans s’en douter tant d’êtres aujourd’hui succombent. »
« Les êtres ne peuvent être effectivement reliés les unes aux autres que parce que dans l’autre dimension ils sont reliés à quelque chose qui les dépasse et qui les comprend en soi. »
« L’acte de penser, et ceci toute l’histoire de la philosophie le démontre, comporte une tentation, celle du détachement, de l’INSULARISATION de soi. »
« Il n’est de profondeur authentique que là où une communion peut être effectivement réalisée ; elle ne le sera jamais ni entre les individus centrés sur eux-mêmes, et par conséquent sclérosés, ni au sein de la masse, de l’état de masse. »
« Notre secret existentiel, c’est de découvrir quelle est cette sphère, si réduite soit-elle, où notre action propre peut s’articuler à une cause universelle qui est celle de l’Esprit de vérité et d’amour dans le monde. »
« Le philosophe ne peut contribuer à sauver l’homme de lui-même qu’en dénonçant impitoyablement et sans relâche les ravages causés par l’esprit d’abstraction. »
Nous avons créé l’inhumain, nous pouvons le constater chaque jour aux informations. Plus de respect, d’écoute, d’échange, des comportements extrêmes dans tous les domaines. Mais qui a inventé le téléphone portable, les consoles de jeux, la télévision, internet….Qui a ouvert la boîte de Pandore, qui a invité le diable ?
Gabriel Marcel