"Les liens artificiels" Nathan DEVERS
« On ne vit ensemble qu’en étant séparés. Ensemble et séparés ; séparés, mais ensemble. »
Un jeune homme sans avenir, rivé sur son écran informatique, découvre un nouveau jeu, le Jeu qui offre une autre vie, dans un autre monde, le métavers. « Dans l’antimonde, votre anti-moi pourra tout faire, il réalisera tous les fantasmes que le monde ne vous permet pas d’accomplir. »
Il deviendra un personnage adulé par la poésie et par hasard, mais factice et anonyme dans le monde réel. Son périple entre ces deux mondes, le conduiront au suicide en direct sur les réseaux sociaux.
Une schizophrénie à grande échelle qui génère une confusion totale du moi pour devenir cet anti moi dans un antimonde. Le créateur du jeu est un mégalomane qui finit par se prendre pour Dieu créateur du monde et des hommes. « L’idée de paradis s’était implantée en l’homme à la naissance des religions. A l’instar des maladies qui se déclarent au terme d’une période d’incubation, elle avait infusé longtemps avant de devenir un phénomène concret : un réseau cybernétique de liens artificiels. »
« Antimonde, clamait-il, serait le plus grand jeu jamais inventé par l’espèce humaine. »
C’est un roman passionnant, d’anticipation, l’homme réseaux veut s’échapper de son réel, pour fuir sa médiocrité où ce qu’il croit être sa médiocrité, sa finitude, son ennui…
« Tantôt ce paradis prenait la forme du monde des idées, tantôt d’un tableau de Michel-Ange ou d’une utopie collectiviste. Parfois on l’appelait sagesse, parfois démocratie directe et parfois cité de Dieu. Mais le principe demeurait identique : l’espèce humaine habitait l’univers en essayant par tous les moyens de modifier les conditions de son existence. »
Ce n’est pas un voyage intérieur, mais extérieur, le pire, celui qui ne mène à rien, celui qui distraira mais ne changera rien.
« Être moi-même ? Je n’ai jamais eu cette folle prétention, moi qui, en digne Cyrano des temps modernes, me noie dans mon miroir faute d’y savoir nager. »
Plus l’homme fuit le réel, pour finir par nier sa corporalité, plus il devient accroc à une nouvelle drogue dure, la fuite en avant de son humanité, fuite qui ne l’empêchera pas de se retrouver à moment en face de lui-même, démuni, devant une deuxième mort qu’il s’est inventé lui-même.
« Une infinités d’autres mondes, écrivait le philosophe, sont également possibles et prétendent à l’existence. »
« En cet automne 2022, le vrai et le faux étaient devenus des valeurs indistinctes. »